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rémunérateur, même pour les producteurs australiens. Un des grands journaux de Melbourne, — ces questions occupent une place très importante dans la presse des colonies, — calculait qu’une vache devait donner par an 1 800 litres de lait pour rémunérer son propriétaire à ce prix, et de pareilles quantités sont rares, sous le climat sec des colonies.

Mais les procédés de conservation par le froid se perfectionnent tous les jours : après la viande gelée, frozen meat, voici la chilled meat, la viande simplement refroidie, « qui a eu le frisson », faudrait-il dire pour rendre exactement l’expression anglaise. Depuis longtemps on en exporte des Etats-Unis, mais on doutait que, refroidie seulement à 2 degrés au-dessous de zéro, elle pût supporter un voyage de quarante jours, dont un tiers sous les tropiques. Une expérience faite l’année dernière a pourtant pleinement réussi. Un grand navire le Gothic, de 7 700 tonnes, parti de Nouvelle-Zélande le 2 mai, arriva à Londres le 11 juin, après avoir doublé le cap Horn avec une cargaison de viande refroidie : le bœuf, en parfait état, fut vendu près du double du bœuf congelé ; le mouton, arrivé en moins bonne condition, trouva néanmoins preneur à 20 ou 25 pour 100 de plus que la même viande congelée. L’effet du simple refroidissement est de ne geler que la partie extérieure des viandes sur une faible épaisseur ; la masse intérieure reste aussi fraîche que si l’animal venait d’être abattu et, protégée par la croûte durcie, ne se putréfie pas. On expérimente aussi la substitution du simple refroidissement à la congélation complète pour le beurre, auquel les très basses températures enlèvent une partie de sa saveur.

Les agriculteurs européens s’étaient en grand nombre réfugiés dans l’élevage du bétail, où ils espéraient trouver une compensation aux déboires que leur avait causés la baisse des prix du blé. Grâce à de nouvelles applications de la science, les voici menacés de la concurrence, non plus seulement des grains, mais des produits animaux exotiques. Allons-nous voir, sous l’influence des exportations américaines et australiennes, les prix du bétail s’abaisser dans les mêmes proportions que ceux des céréales ? A la longue, il est probable qu’il en sera ainsi. Toutefois le phénomène sera sans doute moins brusque. La consommation de la viande est susceptible de se développer beaucoup avec l’amélioration du bien-être général, pour peu que les prix baissent légèrement, tandis que l’importance relative du pain dans l’alimentation tend plutôt à diminuer un peu quand l’aisance augmente ; toute baisse de prix du beurre et des œufs doit également