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industries, c’était un Français, M. Tellier, qui fit les premières expériences concluantes au point de vue technique. Mais, de même que pour l’éclairage par le gaz, de même que pour l’utilisation de la vapeur, nous avons laissé à d’autres le soin d’exploiter ce nouveau champ d’application de la science que nous avions découvert, comme nous leur avons abandonné, pour les mettre en valeur, tant de riches territoires que nos compatriotes avaient les premiers explorés. Ce n’est que depuis 1880 que le commerce des viandes congelées a pris un très grand développement ; le transport des beurres est venu ensuite ; les autres applications sont encore nouvelles et sortent à peine de la période expérimentale.

Une visite aux freezing-works du gouvernement, à Melbourne, m’a permis de me rendre compte de l’organisation de cette industrie, encore toute récente à Victoria. Des compagnies particulières s’occupent aussi de la congélation des diverses denrées ; mais, dans ce pays de socialisme d’Etat, le gouvernement a voulu créer un établissement modèle muni des derniers perfectionnemens et qui lui permît de faire des expériences pour étendre à de nouveaux produits la méthode de conservation par le froid. Les bâtimens sont situés de part et d’autre de voies de chemins de fer qui apportent les produits des campagnes et permettent de les amener ensuite dans des wagons spéciaux jusqu’au quai où ils sont chargés sur les navires. Le froid est produit par la détente de l’ammoniaque liquéfiée dans des tuyaux qui circulent à travers les chambres et peut s’abaisser jusqu’à plusieurs dizaines de degrés au-dessous de zéro. Les viandes seules sont soumises à une très basse température, — 18° à — 20°. On me fait passer successivement dans les chambres où se trouvent les moutons, puis les volailles, dindons, poulets, canards, enfin les lapins. Toutes ces viandes ont la dureté du bois ; aussi, les petits animaux, lapins et volailles, qui sont placés par 30 ou 40 dans des caisses à claire-voie, y sont-ils entassés avant d’être gelés : on peut en faire entrer ainsi un plus grand nombre dans un plus petit espace. Après les viandes voici les œufs : l’année précédente, où on les exportait pour la première fois, on les avait soumis à un très grand froid ; mais ils s’étaient brisés en morceaux ; aussi les maintient-on à présent un peu au-dessus du point de glace, entre 0° et 1 degré. Ils sont soigneusement empaquetés dans des cadres de carton en forme de damier, chaque œuf ayant sa case et complètement entouré de cosses de pois pour amortir les chocs. Le beurre n’est envoyé qu’après avoir été stérilisé. Le miel, enfin, avait été d’abord expédié dans des boîtes d’étain, mais les résultats ont