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pratique et complète ». D’autres encore que ses compatriotes y prendraient un intérêt extrême. L’Angleterre vaincue par l’Allemagne, ou simplement menacée, et s’en rendant compte, et l’avouant, il y aurait de quoi donner à penser à d’autres qu’à elle-même, il y aurait plus d’une leçon — et combien sérieuse ! — à en tirer. En France aussi, nous ne prêtons pas assez l’oreille au bruit formidable et sans cesse grossissant de ce grand peuple en marche pour la conquête pacifique du globe à coups d’échantillons. A défaut d’orgueil, nous avons la vanité, non moins berceuse et non moins dangereuse, qui nous empêche de nous interroger sans complaisance. Apportons-nous dans la bataille industrielle la haute méthode dont s’émerveillaient les délégués anglais, et qui a permis à l’Allemand de tirer un si prodigieux parti des élémens que lui fournissaient la nature et la race ? Mettons-nous le même génie pédagogique à équiper l’intelligence et à discipliner l’adresse des masses ouvrières ? Possédons-nous les qualités de caractère qui font de l’Allemand « l’invincible Allemand » sur tous les marchés du monde, et lâchons-nous à les développer en nous et autour de nous ? Avons-nous son esprit d’entreprise, sa volonté arrêtée de s’adapter à tous les besoins et de se plier à tous les goûts ? Avons-nous la vigilance infatigable qui ne laisse jamais échapper ni l’espoir d’un débouché, ni la chance d’une commande ? Et si nous n’avons pas tout cela, que faisons-nous ? Qu’attendons-nous ? Qu’espérons-nous ?


ARVEDE BARINE.