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Pas n’est besoin de demander qui a profité de la différence. Une enquête faite par les Italiens constatait au même moment qu’un Macédonien est aujourd’hui habillé de la tête aux pieds par l’Allemagne : « Ça ne vaut rien du tout, ajoutait le rapport, mais cane coule presque rien. » L’Italie est aussi très entamée. À Naples, dit un autre rapport. — anglais celui-là, — « la bonneterie de coton de Chemnitz a pris la place des marchandises anglaises, qui ont moins de coup d’œil et se vendent moins bien. » Même décadence pour les étoffes anglaises, dans toute l’Italie ; les importations de tissus de chanvre, entre autres, tombent à rien.

L’Amérique du Sud passe à l’Allemagne, grâce à un déploiement d’activité vraiment admirable et auquel concourent avec un zèle égal fabricans et négocians, placiers et agens officiels. Enfin il n’est pas jusqu’aux États-Unis, si bien protégés à ce qu’il semble, qui ne voient arriver des marchandises allemandes depuis l’exposition de Chicago. Tandis que les industriels anglais faisaient la petite bouche, sous prétexte que ces exhibitions coûtent plus qu’elles ne rapportent, les Allemands profitaient de l’occasion pour se faire connaître, et ils n’ont pas eu à s’en repentir. (Toujours d’après M. Williams, je dois dire qu’ici les Allemands eux-mêmes ne sont pas tous de son avis.)

Jusqu’aux colonies anglaises qui font infidélité à la mère-patrie : « On croit généralement, écrit M. Williams, que nos colonies aident à la prospérité de la mère-patrie. En fait, elles fournissent de bons débouchés à l’Allemagne. » L’Angleterre exportait jadis des quantités considérables de fer aux Indes. Les chiffres sont tombés de près de moitié dans les douze dernières années ; et c’est au profit de la Belgique et de l’Allemagne. Question de fret, paraît-il. Même décadence pour les machines anglaises, pour le sel anglais, pour les instrumens de musique anglais, pour toutes sortes de produits anglais, et non seulement aux Indes, mais au Canada, en Australie, dans la Nouvelle-Zélande, dans la Tasmanie, et le concurrent heureux est toujours « l’invincible Allemand ». M. Williams ajoute, non sans raison, hélas ! « La France n’a pas l’air plus capable que nous de lui résister. »

Pour comble d’humiliation, l’Allemagne vient attaquer sa rivale chez elle. De cliente de la Grande-Bretagne, elle se transforme rapidement en fournisseur. « Odieuses comparaisons, s’écrie M. Williams : en 1891, nous avons exporté en Allemagne 31 839 tonnes de fers et aciers travaillés ; mais l’Allemagne (qui dépendait en très grande partie de nous-mêmes, quelques