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tête et qui, malgré leur nombre et leur courage individuel, furent débandés et promptement désorganisés.

Ces exemples démontrent amplement que le vieux soldat, le professionnel, qui a le sentiment, incarné en lui, du devoir militaire et qui en a l’amour-propre, qui, grâce à son âge, a le moral solide et le sang-froid nécessaire pour aller crânement au-devant du danger, entraîne, par son exemple, les jeunes soldats encore inexpérimentés qui l’entourent et les transforme, grâce au caractère français, qui est tout d’impulsion, en solides combattans.

Le service de trois ans, qui assure aujourd’hui le recrutement de la plupart des armées européennes, et le service de deux ans, en lequel ce service tend à se transformer, ne sont pas de nature à produire l’encadrement dont il vient d’être parlé. Les anciens soldats ne sont représentés dans ces armées, en Allemagne excepté, que par un nombre de sous-officiers rengagés relativement faible. En France, ce nombre, d’après le budget de 1896, ne s’élève qu’à 23 688, en Russie qu’à 14 000. Que sont ces chiffres en présence des millions d’hommes à mobiliser ?

Les services de deux et trois ans ont encore d’autres inconvéniens qu’il est utile de signaler ici.

Les hommes très jeunes (hommes de 20 à 23 ans), qui sont sous les drapeaux en temps de paix et qui seuls constituent l’armée active, ne sont pas plus formés physiquement que moralement. Ils ne peuvent résister aux fatigues d’une campagne, qui peut devenir extrêmement pénible, si, comme cela est très possible, la guerre éclate en hiver ou a lieu aux colonies sous des climats excessifs. Le compte rendu des décès survenus par suite de maladies pendant l’expédition de Madagascar, du commencement de l’expédition au 15 novembre 1895, confirme cette manière de voir. La répartition des décès a été la suivante :


Troupes exclusivement françaises 2 487 morts.
Troupes étrangères, y compris les cadres français. 520 —


D’ailleurs, vers la même époque, le ministre de la guerre, appelé à la tribune de la Chambre, s’exprimait ainsi sur cette question : « 17 500 hommes sont allés à Madagascar, 3 000 y sont morts, 6 000 ont été rapatriés, le reste est à Tananarive et sur la route de Majunga. Le corps le plus éprouvé a été le 40e bataillon de chasseurs, puis vient le 200e. La conclusion de tout cela est qu’il ne faut envoyer dans ces régions que des hommes faits. »

Il semble qu’une campagne européenne ne sera pas moins