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Quand les deux commissaires, dont j’ai su les noms, revinrent, une heure après, confirmer les assertions d’Arago, Biot était parti, et resta deux ans sans revenir. Lorsque, quarante ans plus tard, Biot fut reçu à l’Académie française, Guizot, chargé de le recevoir, consulta Sénarmont sur ses travaux scientifiques qu’il désirait connaître avant de les louer. Sur les discussions de Biot avec Fresnel et avec Arago, relatives à l’optique, dit Sénarmont, très ami de Biot, mais respectueux de la vérité, le mieux est de se taire.

Entre tous les reproches adressés à Arago, le plus injuste est celui d’ignorer les mathématiques.


Mais ce qui lui nuit le plus, dit Libri, et ce qu’il s’efforce en vain de cacher c’est que, secrétaire perpétuel pour les sciences mathématiques, il n’est guère en état d’apprécier les travaux analytiques qui sont adressés à l’Institut. Sur ce point, les avis de tous les hommes compétens sont unanimes : ses amis les plus dévoués se taisent, mais n’osent pas contester la vérité du fait. Ce défaut se révèle à chaque instant de la manière la plus fâcheuse dans son cours et surtout à l’Académie où il lui est arrivé parfois de se tromper, même dans les expressions techniques et dans les termes les plus usuels. C’est là véritablement son côté faible, et l’on conçoit combien un tel fait a de gravité pour le successeur de Fourier. Il n’y a pas un seul géomètre au monde qui ne sache au juste combien sont restreintes les connaissances mathématiques de M. Arago… Il y a eu sans doute d’autres illustres physiciens qui n’étaient guère géomètres, mais ceux-là avouaient leur insuffisance et, probablement, ils n’auraient pas ambitionné la place de secrétaire perpétuel pour les sciences mathématiques à l’Académie des sciences de Paris.


J’arrête la citation. Pas un mot ne s’y rencontre qui ne soit contraire à la vérité. Le reproche d’ignorer les mathématiques, dans les termes où il est adressé à Arago, semble une de ces injures cherchées au hasard qu’on entend de tout temps sortir des rassemblemens populaires, ou qu’on doit s’habituer de nos jours à lire dans certains journaux. Un canotier géomètre, échangeant des injures dans la rade de Brest avec un adversaire inconnu, lui cria à tout hasard, de toute la force de son porte-voix : « Si tu tournais autour d’un axe, tu engendrerais un ganachoïde de révolution ! » L’adversaire étonné ne trouva pas de réponse. Les paroles de Libri sur l’ignorance mathématique d’Arago n’en méritent pas davantage. Arago en trouva une, et des plus concluantes.

Par une coïncidence qui n’était pas fortuite, plusieurs attaques dirigées contre le secrétaire de l’Académie des sciences avaient précédé ou suivi le jugement impartial et modéré de Libri. Arago, en répondant à toutes, aurait attiré des répliques et, vraisemblablement des injures nouvelles provoquées par l’espoir d’une réponse. Il résuma tout dans une lettre adressée à Alexandre de Humboldt, qui, étonné par ce concert d’injures adressées à