sur coup, des pertes irréparables, mais combien peu, parmi ces illustres morts, ressemblaient à des chefs !
Pour qui le grand et excellent Ampère, naïf et timide jusqu’au ridicule, pouvait-il devenir un guide dans les luttes académiques ?
Fresnel, non moins qu’Ampère, était illustre par de grandes découvertes et d’admirables travaux, mais, comme lui aussi, c’est l’éloquente et chaude amitié d’Arago qu’il devait remercier de leur retentissement et de leur rapide triomphe. Ces deux grands hommes, plus grands que lui, il ne l’ignorait pas, avaient été les protégés d’Arago, et s’il fût arrivé que l’Académie les eût choisis pour guides, c’est près de leur ami, plus actif, plus ardent, plus soucieux des affaires académiques, qu’ils auraient pris leurs inspirations. Legendre était respecté, mais peu connu de ses confrères ; il vivait à l’écart et ne s’occupait que de mathématiques.
Laplace et Cuvier ont désiré et obtenu une grande influence, mais c’est de leur vivant, et non dans le trouble causé par leur absence, qu’Arago a établi la sienne. Plus d’une fois, dans des élections importantes, il a combattu et vaincu Laplace, qui, sans lui retirer son amitié, le nommait avec amertume le grand électeur de l’Académie. Arago aimait à rappeler que, grâce à lui, l’illustre Malus avait été, malgré l’opposition de Laplace, préféré à un concurrent oublié aujourd’hui. Lorsque Gay-Lussac fut élu, le candidat de Laplace se nommait Trémery. Il ne faut pas croire, d’ailleurs, que, dans chaque élection, comme dans celle-là, il y ait un bon et un mauvais choix ; que, d’un côté, se trouve la justice, de l’autre, la complaisance et l’intrigue. Le plus souvent, beaucoup plus, j’ose le dire, de trois fois sur quatre, l’hésitation est permise, et, faute de photomètre différentiel pour comparer l’éclat des mérites, il est permis, en toute conscience, de voter pour le candidat préféré. Laplace faisait souvent de très bons choix ; sa haute situation, jointe à une éclatante et juste renommée, lui donnait alors une influence à laquelle rien ne résistait : dans ces cas-là, d’ailleurs, Arago était presque toujours avec lui ; il a pu, dans les dernières années de sa vie, écrire avec fierté : « Je puis me rendre cette justice que, sauf dans trois ou quatre circonstances, ma voix et mes démarches furent toujours acquises au candidat le plus méritant, et, plus d’une fois, je parvins à empêcher l’Académie de faire des choix déplorables. » J’ai entendu racontera Biot que quelques semaines avant une élection dans la section de physique, Laplace se décida à proposer Poisson, profond et ingénieux analyste, auquel personne n’avait songé, et qui n’avait jamais touché un instrument de physique, très heureusement, car il l’aurait cassé. Laplace en parla à quelques confrères qui promirent