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Restauration, on ne pouvait soutenir en optique le système de l’émission sans être accusé de jésuitisme.

On ne s’expose aujourd’hui, on ne s’exposait en 1840, en adoptant une conception condamnée par les faits, qu’à être accusé et convaincu d’ignorance. Il n’en avait pas toujours été ainsi. Le système était celui de Newton ; Laplace et Poisson furent ses défenseurs ; si plusieurs de leurs amis l’ont accepté par confiance en eux, la foi politique n’y était pour rien. Lorsque les défenseurs d’une théorie erronée se trouvaient en même temps ceux du trône et de l’autel, la coïncidence était fortuite. Lorsque Raspail combattait Gay-Lussac, ses amis lui donnaient raison, et les partisans de la mauvaise cause méprisaient les rois. L’appréciation étrange de l’influence d’Arago, nécessaire et bienfaisante au temps où Libri lui devait tout ce qu’il était et tout ce qu’il avait, inutile et dangereuse depuis que, changeant d’amis, il appuyait ses ambitions et sa cupidité sur la protection de Guizot, aurait pu faire deviner l’auteur de l’article ; on n’y songea pas.

Quelles que soient les influences exercées dans les élections, une force irrésistible, à l’Académie des sciences tout au moins, fait à la longue triompher la justice. La liste des membres de l’Académie, pendant toutes les périodes de son histoire, a été ce qu’elle devait être ; les complaisances et les erreurs changent seulement l’ordre dans lequel les noms y sont inscrits.

Les savans, cités avec distinction dans l’histoire de l’une des branches de la science et qui n’ont pas figuré sur nos listes, sont en bien petit nombre. Pour les rares exceptions que l’on pourrait citer, nous avons de légitimes excuses. Pour ne parler que des plus récentes, Laurent et Gerhardt, ces deux illustres chimistes, malgré les hostilités qu’ils semblaient soulever à plaisir, étaient l’un et l’autre près de forcer la porte et de rallier leurs plus ardens adversaires, lorsque tous deux sont morts dans la force de l’âge. Le commandant Alphonse Laurent, géomètre éminent, dont le nom a grandi, mais qui n’a rien publié de son vivant, avait été apprécié par Cauchy qui, spontanément, posait sa candidature, au moment où la mort le frappait jeune encore. Si l’éminent ingénieur des mines Ebelmen n’a pas fait partie de l’Académie des sciences, c’est que, malgré son rare mérite, l’Académie, la seule fois qu’il se soit présenté, lui a très justement préféré son camarade de Sénarmont, plus âgé que lui et de mérite non moins éminent. La première place vacante, dans l’opinion de tous, était réservée à Ebelmen ; il mourut trop tôt pour l’obtenir. Edmond Bour, dans sa courte carrière, s’est montré digne de tous les honneurs académiques, mais il est mort à l’âge de 35 ans ;