Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très souvent périlleux. De novembre à avril, le phénomène diminue d’intensité ; de mai à octobre, il est, presque sans accalmies, redoutable. Pendant cette époque, la vague atteint fréquemment à Grand-Bassam 6 et 8 mètres de haut, rendant les communications avec la mer des plus hasardeuses, quelquefois même, complètement impossibles. Le courrier d’Europe est alors renfermé dans des ponchons et arrive à terre porté par le flot ; quant à celui de la colonie, ce n’est qu’au prix d’efforts surhumains et souvent après dix ou quinze chavirages, qu’on parvient à le conduire à bord. Les transactions commerciales, elles, sont purement et simplement interrompues.

La violence de la barre n’est pas uniforme sur tous les points de cet immense cordon de sable quartzeux qui constitue la côte ; dangereuse principalement à Grand-Bassam, à Lahou, enfin à Assinie, où les huit volutes étagées du ressac rappel lent complètement celles de Kotonou au Dahomey, elle diminue d’importance à Béréby et sur la côte de Krou, pour devenir tout à fait bénigne à Axim, sur la côte anglaise. A Lahou et à Grand-Bassam, le débarquement est plus chanceux que l’embarquement ; à Assinie, au contraire l’accès aux navires est plus malaisé que la descente à terre. La barre a donné lieu de tout temps à nombre d’accidens mortels, c’est Grand-Bassam qui en a été le théâtre le plus ordinaire : le surf-boat, roulé par la vague, est parfois malheureusement renversé sur la plage même, assommant presque toujours les infortunés qui le montent. Le passage de cette lame difficile demande naturellement des pagayeurs expérimentés ; chaque maison de commerce possède une équipe de ces noirs venus généralement d’Elmina ou du pays de Krou. L’équipe de passeurs de barre revient en moyenne à 10 000 francs par an ; et cependant, quelle que soit l’habileté de celle-ci, les risques de barre demeurent considérables : ponchons éventrés, cargaisons perdues, bris de toutes sortes, tel en est le bilan quotidien ; on ne saura jamais tout ce que la terrible volute a englouti, sans parler des quartiers de viande que les noirs y jettent pour en apaiser le fétiche.

D’autres obstacles du même ordre entravent la navigabilité des rivières et des fleuves ; nous avons nommé les rapides. Tous les fleuves de la Côte d’Ivoire, sauf peut-être le Mmé, sont, à partir d’une certaine distance de leur embouchure, obstrués par des roches et des brisans qui en interceptent parfois complètement le cours. On n’a pas encore pu dénombrer ni cataloguer les barrages du Cavally, du San Pedro, du Sassandra ; ceux du Bandama, qui commencent au seuil de M’broubou, à environ 45 kilomètres de la côte, ne paraissent pas des plus dangereux, bien qu’en