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barbarie de la nature africaine que cette disparition lente de l’éléphant de ce pays auquel, sous les expressions géographiques de Côte des Dents, Côte de l’Ivoire, il a deux fois donné son nom. C’est pourtant ce que l’on est obligé de constater chaque jour. Les grandes défenses deviennent introuvables ; seules les petites pointes sans valeur bien appréciable vous sont offertes fréquemment, il va sans dire, avec d’audacieuses majorations. L’ivoire d’hippopotame, qui est très fin et très recherché, se fait plus rare et plus introuvable encore. Les noirs paraissent d’ailleurs assez peu familiarisés avec la chasse de ce redoutable amphibie. Ils le sont davantage avec celle de l’éléphant. Lorsqu’un de ces animaux est tué, l’une des défenses appartient, d’après la coutume du pays, au chef du plus voisin village, la seconde reste la propriété du chasseur. De là la difficulté de se procurer deux pointes véritablement jumelles. Parfois aussi le pachyderme les brise dans sa chute. Enfin la chasse est périlleuse et exige une énergie toute spéciale. Le chef d’Attiéréby, petit village au-dessus de Bettié, avait ainsi tué dans sa glorieuse carrière plus de trente éléphans.

Disons enfin, pour terminer, qu’il n’existe plus à la Côte d’Ivoire de défenses anciennes, de ces réserves d’ivoire abattu depuis des siècles et conservé en d’héréditaires cachettes, comme il s’en rencontre au Congo, sur les bords du Tchad et dans la région des Grands Lacs ; tout l’ivoire qui descend à la côte provient exclusivement de la chasse, ce qui, nous l’avons dit, marque la ruine croissante de ce commerce. Il est probable, cependant, que les parties les plus sauvages de la forêt de Krou recèlent encore quelques véritables troupeaux d’éléphans. Il ne faudra pas beaucoup d’années pour achever de les exterminer.

On ne s’est jusqu’ici que très incidemment préoccupé de la récolte du copal, cette Comme résineuse que sécrète sous l’entaille la vateria indica et qui entre dans la composition de certains vernis. Nous en avons eu entre les mains en Guinée des échantillons d’une réelle valeur ; il y a là certainement encore les élémens d’une industrie dont on pourra, lorsqu’on aura initié les noirs, et même les blancs, à l’utilité de cette précieuse résine, tirer d’appréciables bénéfices. L’écorce du palétuvier, utilisée dans la préparation de certaines teintures et dans la tannerie, servira, elle aussi, probablement, par le profit qu’on en pourra retirer, à la réhabilitation partielle, mais tardive, de « l’arbre à fièvre ».

Nous ne dirons rien de l’exploitation des pierres précieuses, les données que l’on possède à cet égard étant encore trop vagues et insuffisamment contrôlées. Il paraît certain que le grenat existe