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mettent à flotter, l’indigène, monté dans sa pirogue n’a plus qu’à rechercher et à réunir lentement les uns aux autres, à travers la brousse géante, les tronçons épars de son train de bois, — généralement de quinze à vingt billes par saison, — qui s’en va ensuite lentement à la dérive vers la lagune Tendo et vers la mer. Mais depuis quelque douze ans que l’on abat sans relâche ce& acajous dont beaucoup ont mis deux et trois cents ans à atteindre leur volume actuel, le nombre a singulièrement décru de ceux que le voisinage immédiat du fleuve permettait autrefois de convoyer rapidement à la mer. On commence aujourd’hui à dépasser ce rayon d’atteinte des crues dont nous parlions tout à l’heure, à escalader la pente des collines où les eaux n’atteignent plus. Il faut que des équipes de noirs roulent devant elles et poussent à l’eau ces troncs dont l’épaisseur atteint souvent la hauteur d’un homme. Pénible travail dans une forêt où tant d’obstacles naturels sont accumulés ! Aussi disions-nous que, dans les conditions actuelles, l’exploitation de ces grands végétaux ne comportait plus maintenant qu’une durée très limitée et laissions-nous pressentir que la Compagnie de Kong, au cas même où son monopole lui serait définitivement confirmé, arriverait sans doute trop tard pour l’exercer fructueusement. Seule, la construction de routes carrossables et d’un chemin de fer peut conjurer la ruine momentanée de cette industrie. Il va sans dire, par conséquent, que l’ouverture d’une voie ferrée à travers la forêt, non seulement relèverait l’exploitation des bois, mais encore l’accroîtrait considérablement en permettant le transport des essences dures, les plus belles de toutes, que leur manque de flottabilité a empêché jusqu’ici d’utiliser.

En regard de ces trois sources principales de richesse, — l’or, les plantations, les bois, — il existe, avons-nous dit, là-bas un certain nombre d’industries d’une importance moins considérable, mais qui, soit par leur prospérité actuelle, soit par le développement que l’avenir semble leur réserver, méritent ici quelque mention.

L’huile de palme, qui fut, pendant de longues années, le produit principal de la traite et le plus fructueux article d’exportation, a, depuis 1893 surtout, singulièrement perdu de sa primitive valeur. Le ponction d’huile qui se vendait naguère 800 francs environ est tombé aujourd’hui à la moitié environ ; encore n’est-on pas certain qu’il doive s’arrêter là. Les causes de cette importante moins-value sont nombreuses. Tout d’abord il faut indiquer la concurrence, chaque jour croissante, des suifs d’Australie qui tendent de plus en plus à supplanter l’huile de palme dans le