lieu de tenir grand compte de la constitution des assemblées et de la nature des élémens qui les composent. On ne saurait établir de comparaison juste, cela va de soi, entre une cohue de mille individus ne représentant qu’eux-mêmes et un Congrès de cinquante à soixante membres dont chacun représente quelques milliers d’électeurs. La convention de Queen’s Hall prétendait naturellement à un certain caractère représentatif. Chaque délégué avait à exciper d’un mandat, à déposer ses pouvoirs, à prouver qu’il avait reçu mission d’un groupe régulier. Excellente règle, mais c’est ici malheureusement qu’apparaît le défaut radical d’esprit pratique des organisateurs ou peut-être leur préférence pour l’apparence sur la réalité, pour les gros chiffres sur la représentation authentique, pour l’ombre sur la substance. Ce qui a vicié le Congrès de Londres ; ce qui lui a ôté en grande partie le droit de parler au nom des masses populaires ; ce qui, en même temps, l’a condamné à d’incessantes récriminations et à d’impuissans essais de réforme, ç’a été la déplorable organisation des unités primaires, des groupes représentés.
Le premier venu n’a qu’à s’aboucher quelques jours avant la date de la convocation avec deux ou trois quidams de son espèce et à adopter pour leur trio ou leur quatuor un nom ronflant : l’Association collectiviste populaire de N… ou le Cercle socialiste révolutionnaire de X… Le tour est joué. Un nouveau groupe socialiste a vu le jour. Plaît-il au fondateur de se déléguer lui-même au Congrès, — cas qui se présente fréquemment, puisque c’est le moyen le plus simple d’obtenir ses grandes entrées dans l’assemblée révolutionnaire ; — il n’a qu’à rédiger lui-même ses propres pouvoirs. S’il n’a pas cette ambition, il peut conférer son mandat à qui bon lui semble. Ici encore nulle condition de domicile, de participation, etc. Un groupe n’eût-il jamais même entrevu son mandataire, celui-ci résidât-il à deux cents bonnes lieues de ses commettans, appartînt-il à une autre nationalité, n’eût-il absolument rien de commun avec eux : le mandat n’en est pas moins valable. Le plus souvent, c’est par l’entremise de courtiers ad hoc, tout prêts à dénicher, voire au besoin à créer de toutes pièces un groupe à l’intention de ceux qui brûlent de représenter, mais sans savoir quoi, que s’opère ce trafic où interviennent parfois les espèces sonnantes et trébuchantes. Et le produit de ces belles transactions, le représentant fictif d’un groupe fictif, jouit au sein de l’assemblée exactement des mêmes droits que les délégués d’un grand syndicat ouvrier avec ses milliers et ses centaines de milliers de membres et ses millions de cotisations ! C’est par cette fissure ou cette crevasse des mandats fictifs