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sont assez faibles pour que leurs différences cessent d’être saisissables, la sensation est grise, et les couleurs ne se produisent pas (Charpentier). On sait qu’une lumière extérieure constante produit sur une libre nerveuse une excitation dont l’intensité décroît avec le temps par l’effet de la fatigue. Il suit de là que, si l’œil a longtemps regardé une surface rouge, par exemple, et qu’il reçoive ensuite de la lumière blanche, les fibres fatiguées du rouge sont relativement moins affectées que celles du vert et du violet, et c’est la sensation vert bleu, complémentaire du rouge, qui prédomine. Supposez qu’accidentellement l’un des trois groupes de fibres soit affaibli ou paralysé, on ne verra plus que certaines couleurs : c’est le daltonisme. Cette théorie fournit donc une explication satisfaisante d’un grand nombre des phénomènes observés dans la vision des couleurs, notamment pour la détermination des couleurs complémentaires. Mais, ici, il faut bien remarquer, — et Helmholtz l’a établi pour la première fois contre Newton, Goethe, Brewster, — que les résultats obtenus en projetant sur un même écran les couleurs du spectre ou en faisant tourner rapidement un disque présentant deux secteurs diversement colorés, sont absolument différens de ceux que les peintres obtiennent par le mélange des poudres colorantes imbibées d’eau ou d’huile. Au moyen d’expériences et de démonstrations qui ne peuvent être rapportées ici, Helmholtz a prouvé que la couleur prédominante est alors celle qui, réfléchie par la surface de la particule la plus éloignée, a pu traverser la matière colorante avec la moindre altération.

Reste enfin la question des perceptions, c’est-à-dire des idées des objets extérieurs que l’âme, le moi, l’intelligence déduit des sensations visuelles. Ici le terrain est tout différent de celui sur lequel nous nous étions placés tout à l’heure. Il s’agissait de mouvemens vibratoires extérieurs produisant sur nos organes des impressions, et dont le rythme spécial était enregistré sous forme de sensations, lesquelles constituent pour nous le signe représentatif, le symbole de l’objet extérieur considéré. Nous étions en pleine physique, en pleine mécanique. Il s’agit maintenant de raisonner sur ces signes, sur ces symboles, et d’après les résultats de ces raisonnemens de conclure à la forme, à la position, aux relations mutuelles des objets qu’ils représentent. Nous voilà en pleine logique. Nous allons opérer sur les sensations comme les chimistes opèrent sur les équivalons des corps, équivalens qui sont pourtant des nombres abstraits.

Pour bien nous faire comprendre, nous allons attaquer la question de la perception de la profondeur, du relief.

Commençons par établir qu’il n’existe aucun organe destiné