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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 août.


Les affaires de Crète absorbent en ce moment toute l’attention. Elles ont traversé les phases les plus diverses depuis trois mois, et les journaux ont annoncé tantôt que l’horizon s’obscurcissait du côté de l’Orient, tantôt qu’il s’éclaircissait, puis qu’il s’obscurcissait encore, sans qu’il soit possible de dégager la loi à laquelle ces évolutions ont obéi. Jamais l’empirisme politique n’a paru plus complètement maître de la situation. Il ne semble pas que, dès le début, ce qu’on appelle l’Europe, c’est-à-dire les six grandes puissances qui, en dehors de la Turquie trop directement intéressée dans la question, forment la presque totalité de l’action politique dans l’ancien continent ; il ne semble pas, disons-nous, que l’Europe ait eu une conception très nette des difficultés qui se présentaient à elle, ni des moyens de les résoudre. Le fait est qu’elle ne les a pas résolues jusqu’ici, et que la situation est devenue de jour en jour plus difficile : elle présente en ce moment le maximum de confusion.

Vers la fin du mois de mai, la nouvelle s’est répandue que des complications très sérieuses s’étaient produites en Crète. On parlait de rixes entre les musulmans et les chrétiens. Depuis plusieurs mois déjà des comités révolutionnaires s’étaient formés en Crète, et ils étaient entrés en relation avec d’autres comités réunis à l’étranger, soit en Grèce, soit ailleurs. L’affaire était préparée de très longue main. La cause principale de l’insurrection était, il faut bien le dire, le mauvais gouvernement de la Porte ottomane, et ce n’est pas seulement en Crète que ce mal, en quelque sorte endémique, a produit ses conséquences naturelles. On n’a pas oublié les préoccupations que les affaires d’Arménie ont causées à l’Europe l’année dernière. Sans doute l’influence étrangère, s’exerçant par des comités irresponsables, a été pour beaucoup dans les soulèvemens qui ont eu lieu ; mais il est incontestable que la Porte n’avait pas tenu ses promesses, qu’elle avait