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d’une ouverture, la pupille, réglée par un rideau mobile, l’iris. L’ensemble de l’espace d’où les rayons lumineux peuvent pénétrer dans l’œil s’appelle le champ visuel. Des muscles spéciaux permettent de modifier la direction de l’œil, et d’obtenir ainsi l’agrandissement du champ visuel utile.

Tous ces organes sont décrits sommairement dans la dioptrique de l’œil. Helmholtz a donné, de l’accommodation, c’est-à-dire du mécanisme par lequel se modifie la courbure du cristallin, une explication qui a soulevé de vives discussions et provoqué de nombreuses recherches[1].

Les diverses dispositions de l’appareil oculaire sont extrêmement ingénieuses, mais l’ensemble est loin de la perfection. L’œil parfait, emmétrope, devrait être sphérique ; il est presque toujours ellipsoïdal. Il est ou myope, c’est-à-dire trop long ; ou hypermétrope, c’est-à-dire trop court ; ou astigmate, c’est-à-dire à courbures inégales. Sous un certain rapport, il est même inférieur à nos instrumens d’optique ; ses milieux réfringens ne sont pas achromatiques.

Si bien que plus tard, dans une boutade célèbre, Helmholtz, énumérant toutes les imperfections de cet organe, déclara que, si un opticien venait lui apporter un instrument entaché de pareils défauts, il le lui renverrait avec les plus vifs reproches.

Notre compatriote, le Dr Javal, osa prendre la défense de « l’opticien », et son plaidoyer ingénieux, profond même, mérite d’être rapporté ici. « L’opticien, dit-il en substance, doit régler un appareil sur le travail spécial que doit accomplir cet appareil. A un astronome, à un homme de guerre, il livrera une lunette à longue portée ; au micrographe, un microscope. Mais quand « l’opticien » ignore, — comme c’est ici le cas, — l’usage que son « client » veut faire ultérieurement de son instrument, il se borne — et il doit se borner — à lui livrer un appareil, non réglé, mais réglable par le jeu même de son adaptation spéciale future. Il nous livre donc un œil, trop court, hypermétrope. Si nous avons le goût des recherches minutieuses où il faut regarder de très près pour voir tous les détails, notre œil, s’allongeant, deviendra myope. Nous naissons avec un œil hypermétrope, c’est-à-dire trop court, et c’est à la suite d’efforts constans que nous l’allongeons pour l’adapter à la vision rapprochée. Ces efforts, mal dirigés, peuvent engendrer des infirmités comme l’astigmatisme, par exemple, mais c’est la faute du « client » et non du « fabricant. »

  1. Dans ces dernier temps, M. Tscherning, du laboratoire ophtalmologique de Paris, a démontré qu’Helmholtz avait ou raison de croire que l’accommodation était produite par l’action du muscle ciliaire, mais qu’il s’était trompé sur le mode de cette action.