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jusqu’au fond des entrailles et il ne se donnait ni trêve ni repos qu’il ne l’eût délivré à tout prix. C’est ainsi qu’il racheta un jour trois jeunes filles de Vence, au prix de 1 000 livres chacune. Vers l’époque de la seconde captivité de M. Barreau, Philippe s’inquiéta des dettes qui accablaient le consul lazariste, il fit le voyage de Paris tout exprès pour exposer sa triste situation à saint Vincent. Celui-ci, après l’avoir entendu, obtint la permission de faire une quête dans toutes les paroisses de France et, au bout de sept à huit mois, la rançon de notre consul d’Alger était enfin trouvée ! Ce fut encore lui que M. Aimeras, le successeur de saint Vincent de Paul, chargea d’aller installer à Alger le nouveau consul, frère Dubourdieu. Philippe, à cette occasion, fit donner au frère Barreau la décharge de toutes ses dettes et trouva encore moyen de ramener à Marseille 70 esclaves affranchis (1662). A son retour de ce voyage, Philippe fut envoyé à la maison des Lazaristes à Fontainebleau et consacra les quinze dernières années de sa vie à l’évangélisation des paysans de la Brie.

Après tant de services rendus à la cause de la chrétienté, il ne manquait plus au nom de Le Vacher que l’auréole du martyre. Ce fut Jean, l’aîné des deux frères, qui la lui donna. On se souvient qu’à la suite de la mission du sieur Dumoulin, il avait été brusquement destitué des fonctions de consul à Tunis. Après deux ans de repos à Saint-Lazare de Paris, le supérieur, M. Almeras, l’envoya à Alger. Il n’était plus jeune, car il était tout près de la cinquantaine ; il avait toujours eu une santé délicate, et les labeurs de son apostolat de Tunis n’avaient pas été faits pour la raffermir ; mais ni son courage, ni son ardeur charitable n’étaient diminués. Comme on lui demandait, a son départ : « N’avez-vous pas peur de retourner parmi ces Barbares ? » il répondit : « Si je voyais d’un côté le chemin du ciel ouvert et d’un autre celui d’Alger, je prendrais plutôt ce dernier, par la charité que je sais qu’il y a à exercer parmi ces infidèles, envers les pauvres esclaves. »

A son arrivée à Alger, il fut reçu par M. Dubourdieu, consul, par le frère Audoire, religieux de la Mercy, et bientôt rejoint par le frère Francillon ; ces deux derniers avaient été ses collaborateurs à Tunis. Il reprit aussitôt la tache commencée par son frère Philippe et qui consistait à relever le niveau moral et, partant, la considération des prêtres esclaves. Jusqu’alors, ils étaient réduits à porter la livrée des esclaves, telle que saint Vincent l’avait revêtue lui-même. Jean Le Vacher obtint du pacha la permission de leur faire reprendre la soutane. Cela fait, il obtint