au centre de la fameuse province d’Afrique, que saint Louis était mort pour la cause de la Croisade ? N’était-ce pas là qu’il avait été lui-même mené jadis en captivité comme par la main de la Providence, pour être témoin des souffrances des chrétiens ? Il choisit, pour ce poste, deux de ses meilleurs ouvriers : MM. Louis Guérin et François Francillon. Le premier, né à Selles (diocèse de Bagneux), après avoir été quinze ans soldat, était entré à 35 ans dans la maison de Saint-Lazare et s’était déjà distingué par son dévouement aux pestiférés de Lorraine et de Champagne. Il alliait à la douceur du prêtre le courage d’un soldat intrépide. Un mot de lui peint bien son caractère. Comme quelqu’un, au moment de son départ, lui disait : « Eh bien ! monsieur Guérin, vous allez donc vous faire pendre en Barbarie ? — J’espère davantage, répondit-il avec un éclair dans les yeux, je compte sur le pal et sur mieux encore ! »
Tout de suite après son arrivée à Tunis (1646), M. Guérin organisa les services religieux à la chapelle du fondouk, où résidait notre consul, Lange Martin, et dans les différens bagnes. « Vous seriez ravi, écrivait-il peu après à saint Vincent de Paul, d’entendre, tous les jours de fête, chanter dans nos églises l’Exaudiat et d’autres prières pour le roi de France. Avec quelle affection ces pauvres captifs offrent leurs oraisons pour tous leurs bienfaiteurs, dont les principaux sont ou viennent de France !… Ici presque toute sorte de nations dans les fers et les chaînes prient le Dieu des Français. » De Tunis, nos Lazaristes allaient visiter les esclaves, employés dans les maceries, ils allèrent plus loin, jusqu’à Bizerte, Sidi Regeppe, etc. Une autre année, vers Pâques, informé qu’on allait dans la première de ces villes embarquer des esclaves sur des galères armées pour la course, M. Guérin s’y rendit en hâte, y trouva 400 esclaves, et ayant acheté et fait dépecer une douzaine de bœufs, il offrit un festin à ces malheureux qu’on laissait mourir de faim les deux ou trois premiers jours de traversée. — Il proposa même à saint Vincent de Paul d’établir une mission à Salé, à l’autre extrémité du Magreb sur la côte du Maroc ; mais le supérieur, ayant appris que ce poste était convoité par d’autres religieux, renonça à ce projet « de peur, dit-il, de donner lieu à des démêlés, qui eussent scandalisé chrétiens et infidèles. » La mort seule put arrêter cette activité. Guérin, lors d’une épidémie de peste à Tunis, prodigua ses soins aux malades avec tant de zèle qu’il épuisa ses forces ; atteint, à son tour, par la contagion, il succomba le 13 mai 1648, malgré les soins dévoués du frère Francillon.
Il pouvait mourir en paix, car il laissait sa tâche entre les