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à la délégation de Nebraska, et les hampes bleues des États et territoires se dirigèrent à la fois vers un centre commun.

L’orchestre de Bland se mit en mouvement en jouant la Marche en Géorgie. L’orchestre de la Convention joua en même temps le Yankee Doodle. Les groupes des États s’alignèrent et dansèrent autour de la salle. C’était une danse de guerre titanesque. Bannières et portraits des candidats étaient portés en triomphe.

… La foule semblait tourbillonner…


La démonstration aurait duré une heure de plus si quelque sage délégué n’avait eu l’idée de proposer l’ajournement au soir. La Convention choisissait un fanatique de l’argent ; la modestie même de sa situation et le fait qu’il n’était pas un sea-border (né sur les bords de l’Atlantique) avaient contribué à son succès. Les occidentaux et les sudistes entendaient signifier à la Nouvelle-Angleterre que le centre politique du pays se déplaçait et se rapprochait de son centre géographique.


IV

La campagne électorale va se poursuivre jusqu’au commencement de novembre. Les démocrates opposés à l’argent se demandent s’ils mettront en avant un candidat de leur parti ou s’ils voteront pour le républicain Mac-Kinley. Beaucoup d’entre eux estiment que le débat monétaire a pris une telle importance et que les conséquences en seront si graves, qu’il convient de renoncer à toute idée de parti et que la meilleure tactique à suivre est de donner leurs voix au candidat de la monnaie saine qui a le plus de chances d’être élu. Le succès de celui-ci ne viderait du reste pas la question ; ce ne serait qu’une première bataille gagnée : il en faudra livrer d’autres avant de déposer les armes. La Chambre des représentans est soumise cette année même à une réélection partielle : la présence de Mac-Kinley à la Maison Blanche ne suffirait pas à remettre tout en ordre, si la majorité du nouveau Congrès était favorable à l’argent. L’inconvénient des élections trop rapprochées, une des faiblesses de la Constitution américaine, se fait sentir plus que jamais. La lutte va se prolonger et s’étendre, elle continuera à paralyser les affaires et à couvrir le pays de ruines, alors que celui-ci n’aurait besoin que d’une chose, le maintien du statu quo, et la certitude qu’il ne sera victime d’aucune innovation téméraire.

Car ce qu’il y a d’étrange dans la situation actuelle des États-Unis, c’est que les agitateurs, à force de se plaindre de maux imaginaires, en font naître de réels. C’est la crainte d’une modification à la législation monétaire, et non pas la législation