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aux cauchemars de son cerveau, les alternatives de sérénité et de fureur par lesquelles passe son âme, voilà tout le roman.


M. Verner de Heidenstam, déjà connu par un roman très lu, Endymion, — dans lequel il avait mis en contraste la suprême quiétude, la simple joie de vivre de l’Orient, avec les agitations, les incohérences et les tourmens de l’âme occidentale, — par des récits de voyage et d’esthétique, par plusieurs recueils de vers, qui révélaient en lui une vraie nature de poète et un talent original, faisait de son côté un pas de plus dans ce mouvement de réaction idéaliste. Il aboutissait à l’allégorie, au symbolisme. Son nouveau roman, Hans Alienus est une parabole, le rêve d’un philosophe et d’un poète, interprété au moyen de mythes et de symboles. Il rappelle par certains côtés l’épopée mystique de Milton ; par d’autres il rappelle le rêve philosophique de Goethe, de Byron. Certains traits lui sont, au contraire, particuliers. Ainsi les vers s’intercalent partout dans la prose ; la réalité s’enchevêtre dans l’allégorie, au point qu’elles se confondent, que le rêve revêt parfois les formes de la réalité, et que la réalité se perd dans le rêve.

Des mythes, des symboles, du mystère et de la philosophie encadrés dans des peintures réelles, des préoccupations d’idéal et de spiritualité, voilà les procédés de M. Verner de Heidenstam ; le culte du beau sous toutes ses formes, voilà son esthétique ; la joie de vivre, la joie idéale, insouciante, dont l’homme a besoin comme la plante a besoin du soleil, cette joie qui est le soleil de l’âme et la fait s’épanouir comme la fleur s’épanouit à la lumière, voilà le dernier mot de ses aspirations philosophiques. « Et, dit-il, on a le bonheur que l’on s’imagine avoir. » L’imagination peut faire de la vie un sourire ; c’est le savoir qui en fait une vallée de larmes. Pour arriver à la béatitude, il faut moins se préoccuper de connaître et jouir davantage d’être ; estimer ce qu’elle vaut chaque minute de l’existence, qui n’est ni le passé, ni l’avenir, mais la seule qui soit à nous ; ne pas oublier de vivre à force de chercher à connaître le pourquoi de la vie ; ne pas se glorifier de la somme de ses connaissances positives, jusqu’à en oublier la gloire du soleil et du printemps, jusqu’à passer à côté du bonheur, pour avoir voulu se rendre compte de son essence. Cette vérité, la Grèce et l’Orient l’avaient comprise : Hafed et Umballa, deux frères, veulent tous deux retrouver la bague du Grand-Mogol, qui s’est égarée. Le prince a promis de combler d’honneurs et de richesses celui qui la rapporterait, et de lui donner la main de la princesse, sa fille. Hafed remue ciel et terre