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progresseront dans la foi, habilleront plus exactement leur conviction personnelle dans les plis bien définis du vêtement traditionnel. L’adhésion intégrale au vieux symbole serait ainsi le couronnement, le terme idéal de l’évolution religieuse de l’âme ; répudié au point de départ, ce symbole se retrouverait au point d’arrivée ; il serait comme un confluent, où se rejoindraient la foi docile et stable du « positif » et la religiosité du théologien « moderne », librement parvenue au terme de son devenir. De ces prophéties, les adeptes de l’école moderne se raillent, comme d’une dévote naïveté. Qu’un d’entre eux se rallie à la théologie « positive », ils n’y voient rien autre chose qu’une palinodie de convenance, purement superficielle, par laquelle ce pasteur se met à l’unisson d’une communauté « positive » ou s’épargne des embarras avec un consistoire « positif ; » mais que ce soient la vertu même de sa religiosité, l’intensité de sa foi, qui, progressivement, agenouillent ce pasteur devant le catéchisme orthodoxe, cela leur paraît une égayante et menteuse illusion. Pour la foi des positifs, attachée à un Credo défini, ils ont cette nuance de respect que commandait Juvénal à l’égard des enfans : puero debetur reverentia. Libre aux fidèles, et libre aussi aux intelligences vieillottes de quelques ministres du culte, d’abriter derrière certains retranchemens dogmatiques leurs espérances en Jésus ; on ne reproche point à des infirmes d’employer des béquilles, à des enfans de tâtonner avec des lisières. Mais les champions de la théologie moderne représentent l’âge adulte de la foi protestante ; ils ont l’intellect assez libre, l’âme assez adonnée aux choses divines, pour ressentir en présence de la personne du Christ une impression religieuse originale. Qu’importe ensuite que le Christ soit un dieu ou un homme ? Cette impression, c’est là leur foi.

« Croire en Dieu, cela veut dire : Je suis intérieurement certain de Dieu, je vis en lui et par lui je triomphe du monde. Croire en Jésus-Christ, cela veut dire : Je suis allé à travers le monde, j’ai cherché Dieu, et je l’ai trouvé en Jésus-Christ. « Leur foi est un fait d’expérience, le résultat d’une rencontre qu’a faite leur âme, ou tout au plus d’une recherche. En présence des chicanes dogmatiques, tranquille est leur arrogance. On les accuse de nier la divinité du Christ : grief byzantin ! Ils reconnaissent la divinité en Christ : cela suffit. Au lieu d’avoir appris, par autrui, que le Christ est Dieu, ils savent, par leur propre expérience, que dans la personne du Christ l’idéal divin s’est révélé, et qu’à travers les siècles il y subsiste ineffacé. C’est une sorte de sensation pieuse qui donne l’éveil à leur foi ; elle la maintient, tout ensemble, toujours fraîche et toujours vague. Se raconter eux-mêmes,