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et, dans l’électricité dynamique, on n’y dépassait point la pile de Volta. Helmholtz entreprit de réaliser avec les faibles ressources dont il disposait les expériences dont il trouvait la description. Aux dépens des serviettes de sa mère, il apprit à connaître à fond l’action des acides. Il construisit des instrumens d’optique avec des verres de lunettes et une petite loupe appartenant à son père. Les conditions difficiles où il se trouvait placé avaient l’avantage de l’obliger à revenir sans cesse sur les mêmes expériences, et à les combiner de manière à en rendre l’exécution possible. En classe, pendant la lecture de Virgile ou de Cicéron, qui avaient peu d’attraits pour lui, il calculait la marche des rayons lumineux dans le télescope ; il trouva même ainsi plusieurs propositions qui ne figurent pas dans les livres élémentaires, et qui lui servirent plus tard pour la construction de l’ophtalmoscope.

Les études classiques terminées, il fallut aller à l’université, mais dans quelle branche ? La physique était alors considérée comme une science de médiocre avenir, peu capable de nourrir son homme. Le père de Helmholtz lui expliqua qu’en raison de son peu de fortune, il ne pourrait lui faire suivre cette direction que comme préparation à la carrière médicale. Helmholtz n’avait aucune répugnance pour l’étude de la nature vivante ; il s’y adonna sans difficulté. Le seul personnage influent de la famille était un chirurgien de l’armée ; cette parenté détermina le jeune étudiant à se diriger vers la médecine militaire. Il résolut d’entrer à l’Institut Frédéric-Guillaume où il fut placé sous la direction de J. Muller, et eut pour condisciples Du Bois-Reymond, Brücke, Ludwig, Virchow.

Cette résolution exerça, comme on va le voir, une influence décisive sur la carrière de Helmholtz.

J. Muller était un physiologiste d’une très haute valeur. Disciple de Kant, il a le premier appliqué la méthode de son maître à l’étude des sensations, distinguant, dans l’impression produite, ce qui revient à la cause extérieure, à la forme de l’organe, à l’énergie spécifique (le mot est de lui) du nerf ; dans la perception obtenue, ce qui revient à l’action du moi, de l’intelligence, laquelle fait usage des sensations éprouvées comme des mots d’une langue particulière, en tire des conclusions suivant les lois de l’association des idées. Mais, si J. Muller apportait dans ses recherches la rigueur philosophique de la méthode kantienne, c’était en même temps un expérimentateur de premier ordre ; il n’admettait pas que rien pût remplacer l’exacte connaissance des faits, et il apportait dans l’analyse des phénomènes la plus pénétrante sagacité.

Par parenthèse, la fécondité de ce système paraît être une