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à l’obéissance de leur cerveau. Tout travail, si humble soit-il, où il y a proportion entre la pensée et l’exécution, entre l’objet et la volonté, est une œuvre d’art. L’intention, en fait d’art, ne vaut que dans le résultat. Et voici que ce devient une vérité nécessaire à dire. Nous en sommes venus tous et les artistes, avouons-le, plus encore que le public, à une telle lassitude du simple, qu’oser parler de Beauté tout court c’est faire sourire d’abord nos nouveaux esthètes, atteints d’hyperesthésie intellectuelle, ce qui pourrait s’appeler aussi de la vanité prétentieuse, en bon français. C’est aussi se faire donner, dans certains milieux, un brevet de béotien, de bourgeois, de pompier incorrigible ! Consolons-nous-en ; il sera demain très élégant, s’il est aujourd’hui encore un peu téméraire, de l’avoir mérité.


IV

Il nous reste, avant d’en arriver à l’étude technique de chaque forme d’art, à examiner de plus près, au double point de vue des œuvres prochaines, et d’un avenir plus éloigné, et en quelque sorte plus philosophique, la situation créée aux artistes contemporains ou… futurs par les mouvemens d’art de ces derniers temps. Quelle aura été, en architecture, l’influence des idées nouvelles ou des mœurs du temps, et, — pour citer un exemple entre plusieurs, — de l’emploi du fer dans les constructions modernes ? Quel encore l’effet, en peinture ou en sculpture, des écoles naturaliste et impressionniste, et de la réaction qui en a suivi le triomphe passager ? Quelle enfin, en poésie ou en musique, la portée du succès, légitime ou exagéré, des littératures étrangères ou du système wagnérien ?

Ces questions et, si je puis, quelques réponses feront l’objet des études suivantes que j’ai pensé diviser en quatre parties : architecture, sculpture, peinture, musique ; et dont j’ai essayé d’expliquer en ces pages le but et le sens. Les titres diront mieux peut-être mon intention et mon intime désir, en ce qu’ils symboliseront, — s’il est possible en deux termes, — le rapport mystérieux entre tout art et tout métier, c’est-à-dire entre toute force de la nature et tout effort de l’homme. Les voici : De la Forêt jusqu’au Temple ; .. de la Terre jusqu’à l’Homme ; .. de la Couleur jusqu’à l’Idée… de l’Oiseau jusqu’à la Symphonie. Sous cette forme qui m’a paru traduire plus poétiquement nos rêves d’artistes, et en quelque sorte peindre les idées dans lesquelles et pour lesquelles nous vivons, j’essaierai de faire aimer au lecteur notre métier en lui montrant que ce qu’il aime en nous ce n’est au