mourir. Mais soyons francs, envers le public, surtout envers nous-mêmes ; ayons le courage de le dire, avec le philosophe : artistes, nous ne valons quelque chose qu’à la condition de servir une idée ; et si nous sommes de bonne foi, et si nous avons quelque hauteur d’âme, nous devons aimer l’art partout, à la condition qu’il soit sincère et que nous le soyons aussi ; mais nous ne devons l’aimer que s’il est la traduction d’un être, le résultat d’une pensée brûlante et d’une émotion supérieure. Nous ne détestons et ne devons détester qu’une chose, c’est l’art sans but, sans beauté, ou sans âme !
Or tout ce qui est logique a sa beauté ; tout ce qui est sincère a son but ; tout ce qui est simple est plein d’âme. En architecture, le Parthénon, presque petit, mais parfait dans une juste proportion, est de la beauté vraie à sa vraie place. La tour Eiffel est la plus énorme preuve du contraire. En peinture, une figure de Watteau ou un paysage de Corot, peuvent contenir, enfermée dans une fine matière, plus d’âme exprimée que les plus grands tableaux d’histoire. En poésie, ou en musique, une phrase juste d’expression, c’est-à-dire vraie en humanité, pleine au sens de l’amour, — mieux encore si la pureté de la forme la garde de toute flétrissure, — renfermera plus de vérité et par conséquent de beauté appliquée que les cinq actes d’une inutile tragédie ou d’un opéra… pardon ! d’un drame lyrique ! Le tout est d’être toujours dans la mesure, dans sa mesure. Il n’y a décidément d’odieux que la banalité satisfaite et le vulgaire triomphant !
Renan disait encore : « Nous admirons une tragédie de Schiller, une méditation de Lamartine, un chant de Gœthe, parce que nous y retrouvons notre idéal. Est-ce notre idéal que nous trouvons également dans les poétiques dissertations de Job, dans les suaves cantiques des Hébreux, dans les hymnes du Véda ? Est-ce notre idéal que nous trouvons dans une figure symbolique d’Oum ou de Brahma, dans une pyramide d’Egypte ? Non, certes ! Nous n’admirons qu’à la condition de nous reporter au temps auquel appartiennent ces monumens, de nous placer dans le milieu de l’esprit humain, d’envisager tout cela comme l’éternelle végétation de la force cachée. » Et cette végétation, c’est encore l’image du métier, apparence extérieure de l’art. Et les maîtres l’ont toujours aimée belle, et en ont paré leurs ouvrages, estimant sans doute qu’on peut dire d’une œuvre bonne ce qu’on dit d’un beau fruit : que sa fleur est le signe visible de sa qualité. J’insiste, avec intention, sur ce qu’a de vital, à mon sens, pour tous nos travaux, cette indissolubilité du métier et de l’art ; il ne faut pas que ce soit un mariage de raison, mais un mariage d’amour. J’essaierai