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du Lude qui fut désignée pour aller au-devant de la princesse avec toutes les dames qui avaient été nommées en même temps qu’elle. Quant à la mission spéciale de recevoir la princesse à la frontière et d’en donner délivrance à ceux qui la remettraient au nom du duc de Savoie, elle fut confiée à Henri de Lorraine, comte de Brionne, fils du grand écuyer, le comte d’Armagnac (celui qu’on appelait à la cour M. le Grand) dont la survivance lui était promise. Ce n’était pas un prince du sang, mais il était d’une maison qui se prétendait, non sans fondement, légale de la maison de Savoie, et nous verrons même tout à l’heure que cette prétention donna lieu à quelques difficultés. La personne choisie était donc de rang plus élevé que le marquis de Dronero et ne devait pas laisser de le lui faire sentir.

« M. le comte de Brionne, disaient les instructions à lui remises[1], assurera Madame la princesse de Savoye de l’empressement que Sa Majesté a de la voir, de la joye véritable qu’elle a ressentie du rapport avantageux qui luy a été fait des bonnes qualités de cette princesse, de la tendresse qu’Elle sent déjà pour elle, et de la disposition où Elle est de luy en donner marque en tout ce qui dépendra de Sa Majesté. Enfin il n’oubliera rien de tout ce qui pourra luy faire connaître qu’elle trouvera, même avant son mariage, dans les sentimens d’un grand Roy ceux d’un père très tendre. »

Ces mêmes instructions expliquaient au comte de Brionne quelles mesures le Roi avait prises, bien que la princesse ne dût pas encore être traitée comme duchesse de Bourgogne, pour que néanmoins « elle fût reçue d’une manière distinguée des autres princesses de son rang. » Sa table devait être servie pendant la route par des officiers de la bouche du Roi, et le nombre ordinaire des gardes du corps qui la devaient suivre avait été augmenté. Pour toutes les questions de cérémonial et d’étiquette, le comte de Brionne devait au reste être assisté de Desgranges, un des premiers commis de Pontchartrain, qui remplissait à la maison du Roi l’office de Maître des cérémonies. Ce même office devait être rempli du côté de la Savoie par le comte de Vernon, également Maître des cérémonies. Enfin Dangeau, en sa qualité de chevalier d’honneur, accompagnait Brionne. Les lettres de Dangeau et de Desgranges qui sont aux Affaires étrangères[2], la

  1. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 95. Mémoire du Roy pour servir d’instruction à M. le comte de Brionne, choisy par Sa Majesté pour aller recevoir, sur la frontière, Mme la princesse de Savoye.
  2. Partie de ces lettres a déjà été publiée par M. de Boislisle au tome III de son édition des Mémoires de Saint-Simon, appendice XXIII, p. 497.