fort sage, car l’histoire est pleine de troubles domestiques causés par des favorites étrangères. Mais pour les femmes de rang subalterne, la tradition n’était pas aussi constante. La dernière Dauphine, en particulier, qui était une princesse de Bavière, avait été autorisée à conserver auprès d’elle une certaine demoiselle Bezzola. Mais cette complaisance avait eu des suites fâcheuses ; et Louis XIV, qui s’en souvenait fort bien, et qui avait l’habitude d’entrer dans tous les détails, ne manquait pas de se préoccuper à l’avance de cette question. Dès le 26 juillet, il écrivait à Tessé[1] :
« Il est nécessaire aussy de sçavoir quelles dames le duc de Savoye nommera pour accompagner sa fille, mais vous devés surtout lui faire comprendre que, pour le bonheur et la tranquillité de la vie de cette princesse, il ne doit pas demander qu’il reste auprès d’elle aucune des femmes qui sont à son service. Il en sçait luy-même les inconvéniens, et je suis persuadé qu’il se rendra sur ce point à ce que vous lui marquerés être de ma satisfaction. »
Tessé s’acquittait du message, mais il dut s’y prendre assez mal, car il paraît s’être laissé désarmer dès les premiers mots par les objections du duc de Savoie. Gagné sans doute par la bonne grâce de ce prince habile, il acceptait même d’être son interprète et son porte-paroles auprès de Louis XIV. Indirectement, et par l’intermédiaire de Barbezieux, il s’efforçait de faire revenir le Roi sur une détermination qu’il semblait trouver rigoureuse. « Monsieur et Madame la duchesse de Savoye, écrivait-il à Barbezieux, pensent tout comme le Roy sur les deux ou trois femmes que l’on souhaite qui passent en France avec cette princesse. Mais enfin, c’est une enfant qui pleurera à la moindre des choses, et que l’on croit qui pleurera moins avec des femmes qu’elle connoit, ne fût-ce que pour donner un pot de chambre. Il n’y a personne qui, dans son particulier, ne trouve du soulagement à ne se pas contraindre entre un domestique que l’on connoît un peu plus ou un peu moins[2]. » Le duc de Savoie aurait voulu également qu’un médecin connaissant le tempérament de sa fille fût autorisé à l’accompagner et à demeurer quelques mois auprès d’elle ; mais Louis XIV ne se montrait pas moins opposé au médecin qu’aux femmes de chambre. « Vous devés vous en tenir aux ordres que je vous ay donnés, répondait-il à Tessé, et insister sur la demande que vous avés déjà faite qu’il n’en demeure auprès d’elle aucune de celles qui viendroient de Piémont. La peine qu’elle auroit à se séparer d’elles seroit égale