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Toutes ces minuties, au milieu desquelles sont perdues quelques bonnes mesures, constituent au premier chef ce que l’on a si bien appelé grand motherly legislation, législation de grand’mère. Son premier inconvénient, c’est son manque d’élasticité. Malgré les vingt ou quarante jours où un travail supplémentaire de trois heures est permis, bien des industries, — notamment celle des confections, — qui comportent des alternances de morte-saison et de travaux pressés, en sont extrêmement gênées. Elle donne lieu à des tracasseries sans nombre. On est unanime surtout à se plaindre du shops and shop’s assistants act, loi sur les magasins de vente au détail. La permission de vendre des fruits et des gâteaux, mais non des légumes ou du pain, pendant la demi-journée de congé, a donné lieu à des discussions byzantines sur la nature de quelques produits tels que les tomates, d’autant que les mêmes commerçans sont parfois boulangers et pâtissiers, vendeurs de fruits et de légumes. On les oblige à faire disparaître de leurs étalages celles des denrées dont la vente est interdite. Un commerçant me racontait qu’il avait eu de sérieux ennuis parce que les fenêtres du premier étage de son magasin étaient ouvertes pendant le demi-congé pour cause de réparation. Ce sont là de petits faits, mais c’est leur accumulation qui rend insupportables à tous ces lois insuffisamment mûries et tracassières, qui finissent par décourager le commerce et l’industrie.

Malgré elles d’ailleurs et malgré les mesures plus ou moins semblables adoptées par les autres colonies d’Australasie, on n’en retrouve pas moins dans les grandes villes, à Melbourne surtout, d’effroyables misères et tous les excès du sweating system, exactement comme dans l’East-End de Londres. Il sévit surtout dans les industries de la confection et de l’ébénisterie, où se pratique en grand le travail à la tâche à domicile. Chose curieuse, lorsqu’on a entendu les déclamations des démagogues contre la grande industrie et ces « bagnes » que sont les vastes ateliers ! le gouvernement de Victoria a cru devoir proposer, pour remédier au mal, d’interdire le travail à domicile dans un grand nombre de cas, et d’obliger à le concentrer dans des manufactures. On espère ainsi supprimer la concurrence que font aux ouvrières dont les travaux d’aiguille sont le seul gagne-pain, celles qui ne cherchent en s’y livrant qu’à se procurer un superflu. On y arrivera sans doute ainsi, mais ne craint-on pas de priver aussi de tout moyen d’existence des femmes qui sont obligées de rester chez elles pour veiller sur des enfans en bas âge et qui ne pourront plus travailler ? Ce même anti-sweating bill contient aussi des dispositions draconiennes à l’égard des Chinois dont la concurrence est l’une