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mais presque toujours hostile aux grands propriétaires de troupeaux, produit sur cet élément essentiel de la prospérité de l’Australie.

Les idées qui prévalent actuellement dans ce pays au sujet de la propriété, ont été inspirées en grande partie par le désir de donner des terres à l’excès inoccupé de la population urbaine, dépourvue de capitaux suffisans pour acheter la terre au comptant. L’œuvre est déjà difficile de transformer un ouvrier en cultivateur ; les colonies australiennes ne l’ont pas jugée pourtant assez compliquée ; elles y ont joint une expérience socialiste de culture du sol en commun. La Nouvelle-Zélande est entrée la première dans cette voie ; puis le mouvement a passé en 1893 sur le continent australien, où son caractère communiste s’est fort accentué, notamment dans Victoria et dans l’Australie du Sud. J’ai eu la bonne fortune de me trouver dans cette dernière colonie au moment où se faisait une enquête parlementaire sur les communautés créées par la loi de décembre 1893, sous le nom de village settlements, et j’ai pu me rendre compte des conditions dans lesquelles se poursuivait cette curieuse expérience.

La loi que je viens de citer prévoit la constitution de village associations devant comprendre au moins vingt personnes et auxquelles le gouvernement peut louer une étendue de terres de 64 hectares par tête, au plus ; il peut, en outre, leur faire une avance maxima s’élevant à autant de fois 50 liv. st. que l’association comprend de membres. Une somme de 6 fr. 25 par hectare doit être dépensée chaque année en améliorations (improvements). Au bout de trois ans, l’association commencera à rembourser les avances reçues de l’Etat, avec les intérêts à raison de 5 pour 100 l’an ; elle devra se libérer complètement en dix annuités. Chaque association sera dirigée par un board, comprenant au moins trois trustees élus par ses membres ou villagers et parmi eux ; les différends au civil seront réglés par arbitrage ; aucun membre n’aura, dans les terres louées à l’association, d’intérêt séparé et propre, en dehors du droit de possession et d’usage de la part qui peut lui être allouée par le board of trustees. Les règlemens qui organiseront le travail et l’existence dans les divers villages seront soumis à l’approbation du ministre des terres.

Celui-ci a d’ailleurs rédigé en personne un règlement modèle, qui a été adopté par presque toutes les associations sans changemens notables. Ce document, qui vaut d’être analysé, énumère d’abord les personnes qui ne peuvent être admises dans les villages, telles, par exemple, que les Asiatiques. Il n’est point interdit aux femmes de devenir membres des associations, mais,