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L’épuration à domicile s’impose donc dans la grande majorité des cas. On peut l’obtenir par trois moyens différens : l’ébullition, la filtration et les agens chimiques.

L’ébullition est le procédé le plus simple et le plus sûr. C’est celui qu’on recommande dans toutes les épidémies et le seul qui soit à la portée des classes pauvres. On trouve en effet, dans les ménages les plus modestes, un petit fourneau sur lequel on peut faire bouillir, presque sans frais, les quelques litres d’eau nécessaires pour la boisson de la famille. En faisant cette petite opération le soir, l’eau est refroidie le lendemain et elle se conserve pure, si l’on a soin de recouvrir le vase qui la contient. L’ébullition prolongée pendant un quart d’heure fait périr à coup sûr les microbes. Elle a de plus l’avantage de décomposer la matière organique, en coagulant les élémens albuminoïdes qui la composent, mais elle a l’inconvénient de faire perdre à l’eau les gaz et spécialement l’acide carbonique ; elle précipite quelques-uns des sels minéraux ; elle rend l’eau insipide et les personnes délicates la trouvent d’une digestion difficile.

La filtration n’a aucun de ces inconvéniens. C’est le mode d’épuration par excellence, celui que toutes les familles aisées emploient aujourd’hui. L’industrie a imaginé une foule d’appareils ingénieux, mais il en est deux qu’on trouve en usage d’une manière presque exclusive. C’est d’abord la vieille fontaine filtrante qu’un grand nombre de ménages conservent encore. Elle clarifie l’eau, mais elle ne la stérilise pas, parce que les microbes passent facilement à travers les larges pores de la cloison de pierre. Aussi a-t-elle été remplacée, dans la majeure partie des maisons, par le filtre Chamberland, dont la supériorité a été reconnue dans le laboratoire Pasteur. C’est le seul qui soit employé pour les recherches bactériologiques et il a été rendu réglementaire, dans les casernes, par une décision du ministre de la guerre en date du 28 juillet 1889.

La qualité maîtresse de l’eau fournie par le filtre Chamberland est sa pureté. Lorsqu’elle est neuve ou convenablement nettoyée, la bougie en porcelaine ne laisse passer aucun germe. On s’en assure tous les jours à l’institut Pasteur. A cet égard, il n’y a pas de doutes ; mais cette propriété a une durée limitée. Lorsque la bougie commence à s’encrasser, il se développe des micro-organismes dans la boue qui se dépose sur sa paroi extérieure. Ce mucus vaseux, très putrescible, constitue un excellent milieu de culture pour les microbes. Ils y forment des colonies qui s’infiltrent à travers les pores de la porcelaine, sous l’influence de la pression de l’eau. Elles augmentent de nombre de jour en jour et il finit par arriver un moment où l’eau qui a traversé la bougie