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Il reste pourtant beaucoup à faire encore pour satisfaire aux besoins des populations. M. Bechmann a publié en 1892, — dans la Revue d’hygiène et de police sanitaire, — les résultats d’une enquête qu’il a faite à cette époque et de laquelle il résulte que, sur 588 villes au sujet desquelles il a pu se procurer des renseignemens, il n’y en avait alors que 308 qui possédassent une distribution d’eau quelconque. Cette négligence, quelque regrettable qu’elle soit, s’explique par le chiffre très élevé de la dépense qu’entraînent les travaux à effectuer. La plupart des villes ne peuvent y faire face qu’à la faveur d’un emprunt qui obère pour longtemps leurs finances. Lorsqu’il s’agit d’eaux de source, — et c’est presque toujours le cas, puisque ce sont les seules qui offrent des garanties complètes de pureté, — lorsqu’il faut en fournir 200 litres par jour à chaque habitant, il est très difficile de trouver, dans le voisinage, des sources d’un débit suffisant : il faut le plus souvent aller les chercher au loin et les frais sont naturellement en raison directe de la distance à leur faire franchir. Les conduites à l’aide desquelles l’eau de la Vanne est amenée à Paris ont 173 kilomètres de longueur ; celles de la Dhuys en ont 131 ; celles de l’Avre, 102. Ces travaux ont coûté des sommes considérables. Il n’y a pas beaucoup de villes qui puissent se permettre de pareilles dépenses.

Les travaux que nécessitent les amenées d’eau ne sont pas seulement dispendieux : ils sont difficiles et demandent une expérience toute spéciale. Il s’agit d’abord de trouver des sources d’un débit convenable. C’était un métier chez les anciens ; et, jusque de nos jours, l’hydroscopie compte encore de nombreux adeptes. Un abbé Paramelle, curé de Saint-Céré, s’était fait, à cet égard, une réputation, voilà tantôt quarante ans. Mais aux procédés divinatoires des « découvreurs de sources » nos ingénieurs en préfèrent de plus sûrs. Les terrains imperméables ne présentent que peu de ressources : la pluie les ravine, se creuse un petit lit dans chaque pli de terrain et va se jeter dans le ruisseau le plus voisin. Les terrains perméables au contraire absorbent l’eau comme des éponges et la transmettent à la nappe souterraine, dont la crue est lente et le débit régulier. On reconnaît les premiers à la fréquence des ruisseaux et au nombre des ponts qui permettent de les traverser ; les autres se signalent par des caractères opposés. Lorsque l’examen des eaux apparentes ne donne pas de renseignemens suffisamment précis, on s’éclaire par l’examen des puits, des travaux souterrains qu’on a pu faire dans la région, par la présence des grenouilles, des insectes qui fréquentent les cours d’eau, par la nature de la végétation qui croît dans