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ses limites : au bout d’un certain temps, les microbes se détruisent et tombent au fond du réservoir avec les matières en suspension. Ils augmentent de nombre jusqu’au quatrième jour, restent stationnantes jusqu’au dixième, puis diminuent peu à peu, et au bout de six mois il n’y en a presque plus. On connaissait depuis longtemps la propriété qu’ont les eaux de s’épurer par le repos, lorsqu’elles sont conservées dans des réservoirs couverts et dans l’obscurité : cette observation a été, comme on le voit, confirmée par la bactériologie.

Le nombre des organismes contenus dans une eau potable ne peut pas donner la mesure de sa bonne ou de sa mauvaise qualité, parce que la plupart d’entre eux sont inoffensifs. Il est certain que moins il y en a et moins il y a de chances d’en trouver de dangereux dans le nombre. Mais l’eau la plus pure, si elle recevait accidentellement la plus petite quantité de liquides cholériques, serait plus redoutable que l’eau stagnante d’une mare située loin des habitations. Il en serait de même si ces liquides provenaient d’un malade atteint de fièvre typhoïde ou de toute autre affection transmissible par les eaux.

La distinction entre les microbes inoffensifs et ceux qui ne le sont pas est assez difficile. Quelques savans pensent qu’on peut reconnaître les premiers à la facilité avec laquelle ils vivent et se multiplient dans les eaux qui sont leur véritable élément, tandis que les seconds ne s’y rencontreraient que d’une manière accidentelle et y seraient promptement détruits. MM. Chantemesse et Vidal ont prouvé le contraire. Ils ont trouvé le bacille de la fièvre typhoïde dans une borne-fontaine alimentée par la Seine ; ils ont pu le cultiver dans l’eau du canal de l’Ourcq, mais après l’avoir stérilisée ; et ils l’ont vue produire, au bout de trois mois, des colonies très vigoureuses. Frankland a obtenu en Angleterre ; des résultats semblables, en expérimentant sur l’eau de source et sur celle de la Tamise. D’après les recherches de Dubarry, on trouve encore le bacille du choléra vivant dans l’eau stérilisée au bout de 39 jours, tandis qu’il meurt au bout de 24 heures dans celle qui ne l’est pas. Celui de la fièvre typhoïde résiste 81 jours dans le premier cas et 2 seulement dans le second. Enfin, la bactéridie du charbon, le plus redoutable et le plus résistant des microbes, se retrouve au bout de 130 jours dans les eaux stérilisées, tandis qu’elle a disparu dès le quatrième dans celles qui sont encore peuplées. Si les microbes des maladies contagieuses vivent longtemps dans les eaux rendues stériles, c’est qu’ils n’y rencontrent pas d’antagonistes, tandis que dans les eaux naturelles ils y sont livrés à la concurrence vitale des microbes qui y existent