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Ce que j’appelle donc la représentation organique, c’est la représentation — une en deux Chambres et dont chaque Chambre n’est qu’une moitié — où le pays vivant tout entier passe et se concentre en quelque sorte ; où, dans l’une, se prolonge, se répercute la multitude des vies individuelles ; où, dans l’autre, aboutissent les vies collectives de tant d’unions locales, qui sont, au même titre, des organes de la vie de l’Etat.

Le pays vivant, le pays réel, ce n’est ni ces vies individuelles toutes seules, ni ces vies collectives toutes seules ; et la représentation organique, la représentation réelle du pays, ce ne peut être ni cette Chambre toute seule des vies individuelles, ni cette Chambre toute seule des vies collectives : ce sont les deux ensemble ou, comme on dit dans le langage du droit, conjointement et indivisément.

Soit à la Chambre, soit au Sénat, l’individu serait représenté dans le groupe (et ce serait la troisième phase du régime représentatif) ; mais la Chambre représenterait plus spécialement l’individu ; et le Sénat, plus spécialement le groupe ; la Chambre reposerait sur le Nombre, quoique encadré et endigué ; pour le Sénat, on ne s’inquiéterait plus du Nombre. Pour la Chambre des députés, la répartition des sièges entre les départemens serait faite au prorata des électeurs inscrits ; pour le Sénat, chaque département aurait trois sièges, quel que fût le chiffre des électeurs. Pour la Chambre, l’unité électorale serait l’individu ; tout citoyen ferait un ; pour le Sénat, ce serait « l’union locale » qui ferait un, qui serait l’unité électorale. Le suffrage serait universel : puisque tous les citoyens, pour la Chambre, et, pour le Sénat, toutes les « unions », légalement déterminées, participeraient à l’élection ; et le suffrage serait égal : mais, pour la Chambre, égal entre les citoyens, et, pour le Sénat, égal entre les » unions ». Pour le Sénat, des trois sièges attribués à chaque département, le premier appartiendrait à la plus importante des unions locales administratives, qui est le département lui-même : il y serait pourvu par et parmi les membres du conseil général. Le deuxième reviendrait à cette autre union locale essentielle, la commune : il y serait pourvu par et parmi les membres des conseils municipaux. A cela point de difficultés ; mais en voici une (on ne veut pas chercher à la dissimuler non plus qu’on n’a dissimulé les autres), lorsqu’il s’agit de définir nettement et rigoureusement quelles sont les « unions locales » d’ordre social qui, dans chaque département, seront chargées de pourvoir au troisième siège.

En ce qui regarde les « corps constitués » proprement dits, les académies, les universités, les chambres de commerce, les