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la représentation ; plus immédiat sera le contact avec le suffrage universel, plus l’élu aura de crédit, d’autorité, et d’initiative.

Si donc on conserve deux Chambres (et l’on nous dispensera peut-être de rouvrir sur ce sujet une controverse vieille comme le régime même) ; si l’on garde deux Chambres et si la première, la Chambre des députés, est une Chambre pleinement populaire, nommée par tous les citoyens, nul ne s’interposant entre l’électeur et l’élu ; pour la seconde Chambre ou Sénat, il sera également nécessaire : d’une part, — afin que cette seconde Chambre ait une raison d’être et une utilité, — que, dans son origine, elle ne se confonde pas tout à fait avec la première ; d’autre part, — afin que le Sénat ait, à côté et en face de la Chambre des députés, quelque initiative, quelque autorité et quelque crédit, — que, sans que son origine se confonde avec celle de la Chambre des députés, elle s’en rapproche néanmoins le plus possible ; que, sans que sa base d’élection soit aussi étendue, elle soit néanmoins la plus vaste possible ; que, sans que le Sénat naisse et vive d’un contact immédiat avec le suffrage universel, il n’en soit point toutefois si éloigné que la force qui monte d’en bas ait trop de circuit à faire et se perde avant de lui arriver.

Voilà pourquoi nous proposons, pour la Chambre des députés : le suffrage universel, direct, mais organisé en catégories professionnelles, simples circonscriptions sociales ouvertes et libres ; pour le Sénat, un système mixte de suffrage universel à deux degrés et de suffrage très général, organisé d’après « les unions locales » de tout genre : unions administratives, communes et départemens ; corps constitués ou associations : académies, universités, cours et tribunaux, chambres de commerce, barreaux d’avocats, chambres de notaires, d’avoués, conseils de prud’hommes, etc. ; pour la Chambre chacune des catégories professionnelles, et, pour le Sénat, chacune des catégories d’unions, — communes, départemens et corps constitués, — devant tirer de soi ses représentans.

Il est temps à présent de préciser et de faire voir que ce système pourrait être appliqué, dès aujourd’hui, en France ; comment il pourrait l’être ; quels résultats il donnerait ; et c’est ce qu’on va tenter à l’aide des statistiques officielles. Mais est-il besoin d’avertir que nous ne prétendons point apporter un plan parfait et de tous points définitif ? D’abord, les statistiques officielles, qui en établissent les données, ne sont pas parfaites, surtout en ce qui concerne les professions ; elles en sont loin, et l’on a dû les prendre comme elles sont. Meilleures, elles pourraient servir à une meilleure organisation du suffrage sur la base