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Transsibérien et pour d’autres lignes importantes en construction ou en projet, comme la ligne d’Arkangel au nord et les prolongemens du Transcaspien dans l’Asie centrale. La fabrication du fer est plutôt stationnaire. Dans l’Oural et autour de Moscou, la fonte est obtenue au bois ; la Pologne et le sud de la Russie emploient le coke. La quantité de fonte produite au bois l’emporte encore quelque peu sur celle de la fonte au coke, mais la progression de cette dernière est plus rapide, et bientôt la balance penchera en sa faveur. Les quatre groupes de fabrication ont contribué dans la proportion suivante au total de 1 350 000 tonnes de fonte : Oural, 48 0000 ; région du sud 537 000 ; Pologne, 179 000 ; région moscovite, 123 000 ; autres centres de production, 40 000.

Ces chiffres constatent le rôle considérable pris en si peu de temps dans l’ensemble de la production houillère et métallurgique de la Russie par le bassin du Donetz. Si l’on considère que les énormes progrès accomplis dans cette région ont été pour la plus grande partie l’œuvre de capitaux de l’Europe occidentale, on s’explique la fièvre de spéculation qui s’est produite en 1894 sur les actions des sociétés fondées dans le bassin du Donetz, et qui n’a cessé de croître en intensité jusque dans les derniers mois de 1895. Les conditions naturelles du marché ont été faussées, comme elles l’étaient dans le même temps, mais dans de bien autres proportions, sur les valeurs du Transvaal. Certains titres ont obtenu des plus-values fantastiques, dont l’avenir ne pourra sans doute jamais apporter qu’une justification incomplète.

Il importe cependant de ne pas exagérer le péril de cet élément de spéculation. On pourrait citer quelques entreprises dont les promoteurs ont eu surtout en vue un gain rapide à réaliser en Bourse par l’exploitation d’un engouement passager du public. Mais le plus grand nombre des fondations industrielles du Donetz sont solidement assises et paraissent destinées à une longue prospérité. Déjà la fièvre spéculative sur les titres russo-franco-belges est un peu tombée. Si, d’autre part, c’est aux commandes faites par le gouvernement pour la construction de nombreuses voies ferrées qu’est dû ce que l’on a pu observer d’un peu factice ou excessif dans ce progrès industriel, il ne paraît pas que cet appui du gouvernement doive avant longtemps encore faire défaut aux usines du sud de la Russie. D’ailleurs les facilités nouvelles de communication entre toutes les parties de l’empire préparent une extension pour ainsi dire indéfinie des marchés intérieurs, et, à ce titre seul, un large et durable développement semble encore assuré à l’exploitation des richesses de cette merveilleuse région.


AUGUSTE MOIREAU.