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observateur et un philosophe ; et l’un nous gâte souvent l’autre. La philosophie étouffe l’observation ; la polémique gêne le réalisme. Sa combativité le pousse à des excès de critique, à des intempérances de langage qui nuisent à l’effet de ses récits. Qu’il y ait dans l’œuvre de M. Strindberg, des élémens tenant à la race, on ne saurait le contester. J’ai montré que les influences de race et de milieu devaient le disposer aux extrêmes, aux contrastes, à l’absence de nuances dans les conceptions, comme à l’enthousiasme dans les convictions. Mais on reconnaît en lui, à côté de cette influence, les effets d’un tempérament particulier, amer, combatif, insatiable, porté au pessimisme et à la critique. Aussi les compatriotes de M. Strindberg sont-ils partagés entre l’admiration de son talent d’écrivain et l’irritation que leur causent ses tendances, ses excès et son amertume. Et c’est ce qu’il ne parvient pas à leur pardonner. Son dernier roman, la Confession d’un fou, a été écrit en allemand et publié en Allemagne. Il surpasse en violence et en extravagance les plus singulières de ses œuvres suédoises[1].

Ce qu’il a écrit depuis : son livre : Antibarbarus — une interminable dissertation sur de prétendues découvertes chimiques prouvant la transmutation des élémens et l’évolution de la matière organique, — ses Sensations d’un Détraqué, comme ses communications à la presse sur les révélations de son creuset, tout cela semble dénoter l’appauvrissement d’un cerveau surmené. La folie scientifique a remplacé l’hallucination contre la femme et la manie des persécutions.


O. -G. DE HEIDENSTAM.

  1. Voyez, sur ce roman allemand de M. Strindberg, l’étude de M. G. Valbert dans la Revue du 1er novembre 1893.