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de leur verdict. Il faudra qu’ils sachent aussi que les peines prononcées seront rigoureusement exécutées, et que, contrairement au principe de la loi actuelle, certaines condamnations encourues désigneront plus tard le délinquant aux aggravations de la récidive.

Tel est, esquissé dans ses grandes lignes, le cadre des mesures qui, sans porter atteinte à la liberté et sans faire revivre aucun des procédés du système préventif, nous semblent de nature à développer l’action du jury en matière de presse et à la rendre salutaire.

Sans doute les sceptiques vont redire : rien à faire avec le jury !… Nous leur répondrons : Que proposez-vous ? Encore l’impunité ? Chacun sent que l’expérience, déjà longue, devient d’un trop grave danger. Le retour par étapes au vieux système préventif ? De qui obtiendrait-on de pareilles armes, et ne seraient-elles pas mortelles pour ceux qui tenteraient de s’en servir ?

Un seul moyen nous reste : organiser la liberté sous la loi, tâche dure et complexe qui est le tourment de nos générations ! Nos ancêtres ont fait des rêves de justice idéale, puis ils se sont lassés de ces rêves, et, à certaines heures de désenchantement, ils se sont éloignés d’eux… pour y revenir encore. Notre œuvre, plus complexe, consiste à choisir parmi ces rêves ceux qui sont réalisables, à les créer, à les faire vivre, avec grand effort et grand’peine, dans l’atmosphère ingrate de la réalité. Le jury, nous le croyons, est un rêve réalisable. Il peut donner en matière de presse, non pas la justice absolue, mais la justice la mieux appropriée à notre moderne état social. Essayons donc de le faire fonctionner avec suite, et dans des conditions favorables. Ceux qui ont bien voulu s’intéresser à ces études conviendront peut-être avec nous que cet essai n’a pas été jusqu’ici sérieusement tenté.


JEAN CRUPPI.