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déjà dit, en voyant le modèle, que M. Houssin avait préparé pour la ville de Douai un très aimable souvenir de la tendre et malheureuse Marceline Desbordes-Valmore ; le bronze, légèrement teinté, dans lequel le fondeur a fixé cette figure mélancolique, accentue encore l’attitude élégiaque de la jeune femme et lui donne tout son caractère romantique. M. Louis Noël a fait, pour la ville d’Arras, une bonne statue de l’Abbé Halluin. Nous ignorons quelle est la destination des deux marbres Henri Bas-nage, par M. Germain, et Vauvenargues par M. Daillion. L’érudit du XVIIe siècle et le gentilhomme-moraliste du XVIIIe sont tous deux en pied, l’un dans sa robe de pasteur, l’autre dans son habit brodé de marquis. Basnage tient un livre, Vauvenargues médite, accoudé sur un socle chantourné. La sculpture de M. Germain, timide et hésitante, ne rend qu’à moitié la virilité aiguisée du critique renommé qui accompagna son frère Jacques dans son exil en Hollande, et fut le continuateur de Bayle. Celle de M. Daillion, plus souple et plus habile, restitue, avec plus d’agrément, dans sa grâce et son affabilité, le militaire-diplomate et le philosophe optimiste, honneur de la Provence ; nous eussions désiré pourtant retrouver, sur cet aimable visage, des traces plus visibles d’une pensée qui, pour être consolante, n’en fut pas moins vivo et profonde, et de la souffrance intérieure, physique et morale, qui épuisa si vite et anéantit, à trente et un ans, ce corps élégant. L’esquisse de Maître Adam Billaut, pour son monument à Nevers, par M. Marquet, est vive et bien tournée. Le poète des Chevilles est naturellement représenté, à son établi, en costume de menuisier.

Les Jeanne d’Arc sont toujours nombreuses, la plupart sans avenir assuré, rêvées et modelées par plaisir, pour la joie personnelle et intime de vivre quelque temps avec une idée haute et pure de patriotisme et de dévouement. Comme les peintres du moyen âge et de la Renaissance faisaient toujours, au moins une fois dans leur vie, acte de foi à la Madone en la représentant avec son divin fils, de même, presque tous les artistes français semblent aujourd’hui penser, depuis nos malheurs, qu’ils n’ont point accompli tout leur devoir s’ils n’ont consacré un peu de leur temps à cette pure et sainte image. Ils y pensent partout, même loin de France, car c’est à Rome, sans doute, que M. Sicard a rêvé la sienne. Debout, marchant d’un pas décidé, la tête levée vers le ciel qu’elle consulte, elle s’apprête à tirer l’épée, neuve encore, du fourreau qu’elle tient de la main gauche. M. Sicard, Tourangeau, a-t-il pensé à la Jeanne tourangelle, qui, en traversant le pays, va chercher à Sainte-Catherine de Fierbois l’épée sainte et qui commande, pour cette épée, une belle gaine au plus célèbre orfèvre de Tours ? On