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graveleux, deviendrait plus significative ? Quand on vise au pittoresque, dans la sculpture, ce qui n’est point interdit, quoique ce soit un danger, on doit, au moins, rester dans la logique pittoresque. Or la logique des yeux, si nous ne nous trompons, eût voulu deux choses dans le bas-relief de M. Puech : d’abord qu’un lien quelconque, soit architectural, soit sculptural, soit pittoresque, fût établi entre la figure d’en bas qui regarde et la tête d’en haut qui est regardée, entre la visionnaire et la vision ; en second lieu, que la tête apparue fût bien dans le rayon visuel de la spectatrice. Mais, cette intercalation de matière brute entre la femme qui s’y efface délicatement et le masque qui en émerge péniblement supprime toute transition, tandis que la saillie violente du médaillon, au-dessus de la saillie discrète de la figure, semble écarter toute vraisemblance d’une rencontre naturelle des yeux autant que d’une apparition poétique. Il n’y a aucune alliance préparée, ni ménagée entre cette nudité délicate et idéale, et cette tête d’artiste mondain, à gros favoris, si moderne et si réelle, qui sort, on ne sait comment, de cette matière chaotique. Les observations, très bourgeoises sans doute, que nous croyons devoir faire à propos d’un ouvrage applaudi, pourraient être renouvelées au sujet d’un assez grand nombre de travaux moins remarquables ; est-il aucune virtuosité cependant qui puisse dispenser le plus grand artiste, dans une œuvre quelconque, de la logique spéciale imposée par la matière qu’il emploie et par le sujet qu’il entend exprimer ? Dans la stèle de M. Desvergnes, une figure drapée de jeune femme, un peu grêle, prosternée sur le soubassement, voit aussi apparaître un profil d’enfant mort : l’apparition se produit sur un marbre poli, et n’en est pourtant pas mieux expliquée. On peut citer encore, parmi les bonnes figures tombales, une Douleur chrétienne, de M. Picard, pour un tombeau de famille, à Roanne, modelée et drapée dans un excellent sentiment. Le Président de la République de Colombie, Raphaël W. D. Nunez, étendu, sur son monument, la tête nue, en simple redingote, par M. Waldmann, de Genève, est une touchante effigie, caractérisée avec conscience, franchise et vigueur.

Quelques effigies historiques, destinées à des places publiques, y feront un bon effet. Une des meilleures nous a semblé la figure en bronze du Général Beaupuy par M. Rivet, de Périgueux. L’allure est décidée et martiale, énergique et contenue ; le sculpteur a tiré un excellent parti de tous les détails du costume, sans nuire au mouvement d’ensemble : il a disposé habilement ses accessoires. L’œuvre est bien soutenue d’un bout à l’autre, sérieuse et agréable ; c’est un exemple du bon parti que peut toujours tirer un bon artiste du sujet le plus rebattu. Nous avions