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de la misère du reste des populations soudanaises forment le commentaire très détaillé à ce passage du discours de lord Salisbury : « Une moitié de la puissance égyptienne a été enlevée et est restée au pouvoir du despotisme le plus infernal qui ait jamais affligé une portion quelconque de l’humanité. » À cette conclusion de Slatin : « C’est une folie de croire que ce pays pourra jamais se relever de lui-même ; le secours doit venir du dehors, » répond cette phrase du ministre anglais : « Est-ce que nous nous conformerions à notre mission, est-ce que nous justifierions la confiance qu’on a mise en nous si nous prétendions notre tâche accomplie, alors que la moitié du dépôt qu’on nous a confié resterait soumise au sort terrible que je viens de décrire ? »

Assurément il est fort ingénieux de prétendre que cette fameuse expédition a pour objet de rétablir la civilisation dans un pays redevenu barbare.

Toutefois nous sommes pleinement autorisés, à émettre quelques doutes sur l’absolu désintéressement de ces intentions. Ce n’est pas un secret que, parmi les partisans de « la Plus grande Bretagne », beaucoup espèrent voir le Nil tout entier devenir fleuve anglais. Et si d’aventure quelqu’un l’ignore ou en doute, il n’aura pour s’en instruire et s’en convaincre qu’à jeter les yeux sur les cartes politiques que dressent les plus autorisés des géographes d’outre-Manche. Déjà la pénétration a commencé par le sud. Si on a déployé tant de ténacité à occuper l’Ouganda, c’est assurément pour tenir l’Ouganda lui-même, mais c’est aussi parce qu’il est placé comme au seuil même des pays du Nil. Des officiers anglais partis du lac Victoria, à la tête de troupes nègres, ont atteint le Nil à Ouadelaï. Y ont-ils établi un poste permanent ? Sont-ils allés plus au nord ? On est à cet égard dans l’ignorance. Mais le silence même qui entoure ces mouvemens de troupes dévoile les motifs secrets qui les déterminent. A qui fera-t-on croire que, venus les uns du nord, et les autres du sud, les officiers anglais qui se rencontreront quelque part aux environs d’Omdurman se retireront, satisfaits d’avoir bien mérité de l’humanité, et laisseront au Khédive le soin de réorganiser le pays naguère conquis par ses ancêtres ?

Pour être en pleine confiance sur l’avenir de cette entreprise, il faudrait oublier toute l’histoire coloniale de l’Angleterre et tout ce qui s’y rencontre d’actes arbitraires. Il faudrait n’avoir pas présent à l’esprit le souvenir de quelque énorme supercherie de politique coloniale, telle par exemple que l’expédition au secours d’Emin-Pacha. En ce temps-là aussi on le prenait de très haut. Les organisateurs paraissaient agir par pure philanthropie. On