Parmi tant de questions qui préparent de la besogne au XXe siècle, la « question féministe » sera probablement l’une des plus fécondes en surprises et en divisions. On sait comment elle se pose. D’une façon générale, et dans l’Europe entière ou peu s’en faut, la femme ne veut plus se contenter de la place qui lui avait été assignée dans la société par les lois et les mœurs, par l’éducation et les Églises chrétiennes. Elle s’y trouve trop resserrée ; elle se plaint de ne pas pouvoir s’y développer comme l’exigeraient les conditions de la vie moderne, où la femme isolée et sans fortune est obligée de lutter comme un homme pour gagner son pain contre les hommes, car la galanterie cesse à l’endroit précis où commence la concurrence. Il y a des raisons économiques au fond du mouvement féministe Ce sont elles qui le rendent légitime, exagérations et sottises à part. C’est à cause d’elles qu’on ne s’en débarrassera point avec de faciles railleries. Les plaisanteries glissent sur des personnes à la recherche d’une possibilité d’exister, et tel est actuellement le cas de milliers de filles bien nées, qui, pour des motifs divers, trouvent de moins en moins à se marier et auxquelles il faut pourtant un toit et de quoi manger. Elles sont légion en Angleterre, où le nombre des femmes excède celui des hommes de près d’un million.
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QUESTIONS ACTUELLES
LA GAUCHE FÉMINISTE
ET
LE MARIAGE