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VINGT-CINQ ANS APRÈS
1871 — 1896

L’année 1896 a vu le vingt-cinquième anniversaire du jour où a été signé le traité qui a arraché à la France une part d’elle-même. Tandis que cette date fatale est saluée en Allemagne avec un contentement qui n’est que trop naturel, c’est peut-être pour nous le moment de nous recueillir et de rechercher quel emploi a été fait de ce quart de siècle aujourd’hui écoulé pour atténuer ou réparer les conséquences du plus désastreux et du plus douloureux des sacrifices. Où en sommes-nous ? La trace de nos malheurs est-elle, en partie du moins, effacée ? Le présent et l’avenir (tel que nous pouvons le prévoir) sont-ils de nature à nous faire oublier le passé ? C’est un examen de conscience qui est assez pénible à faire, car il faut commencer par se remettre en mémoire des jours qui ont été durs à traverser, et porter ensuite ses regards sur un horizon qui est encore chargé de bien des nuages. C’est pourtant l’unique moyen de nous préserver de toute illusion, et de ne pas perdre trop tôt le souvenir des leçons que nous avons dû tirer d’une si cruelle épreuve.

Pour faire à une question d’une telle gravité une réponse complète, il faudrait toucher à bien des points dont la connaissance m’échappe et dont l’appréciation m’est impossible. Aussi n’ai-je pas cette prétention. Je m’abstiendrai en particulier de tout jugement sur le résultat des efforts que font sous nos yeux, avec un zèle persévérant, tous nos chefs militaires pour préserver notre armée des fautes et des erreurs qui l’ont perdue et la mettre en mesure de faire face, avec toutes les ressources de la stratégie