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jusqu’à Helmholtz, qui fait reconnaître le son d’un violoncelle de celui d’un cor par exemple[1].

Monge avait bien soupçonné que, pour les cordes sonores, le timbre devait dépendre des subdivisions qui s’opèrent dans la corde vibrante, mais il n’avait pas poussé plus loin cette induction vague qui était restée inaperçue dans la science. Helmholtz ne s’en tint pas là. Partant du beau théorème de Fourier sur les mouvemens périodiques et dont Ohm avait déjà fait l’application aux sons musicaux, il prouve par le calcul, par l’analyse, puis par la synthèse :

1o Qu’il y a des vibrations, d’une forme mathématique absolument déterminée, qu’on peut considérer comme simples ;

2o° Qu’une vibration quelconque peut toujours être décomposée, et d’une seule manière, en vibrations simples ;

3o Que cette décomposition n’est pas une décomposition purement idéale, et qu’en fait un son complexe fera vibrer par influence des diapasons correspondant aux sons simples dont il se compose ;

4o Que l’oreille opère cette décomposition exactement de la même manière ;

5o Que tous les sons employés en musique sont formés d’un son simple grave, accompagné de sons harmoniques d’intensité généralement décroissante, dont les nombres de vibration sont deux, trois, quatre fois plus grands que ceux du son fondamental ;

6o Et que c’est à la différence de groupement de ces harmoniques que sont dues les différences de timbre.

Il fallait expliquer par des considérations psychologiques comment et pourquoi ces sensations diverses se fondaient dans notre perception en un tout homogène et, en apparence, simple. C’est à cette occasion que Helmholtz inventa l’un de ses plus ingénieux appareils, le résonateur, qui permet de distinguer un son donné dans la conversation, dans le chant, dans le bruit d’une voiture roulant sur le pavé[2].

La théorie du timbre une fois établie, Helmholtz la prend

  1. On a souvent comparé le timbre des sons à la couleur de la lumière. Les Allemands lui donnent même le nom de Klängfarbe, couleur du son. Cette analogie n’est nullement fondée. La sensation de couleur, qui dépend uniquement du nombre des vibrations de l’éther, a exactement pour analogue la sensation de hauteur du son.
  2. En acoustique, le résonateur joue un rôle aussi important que celui de l’ophtalmoscope dans l’optique physiologique. Knaus a fait de Helmholtz un très beau portrait, où figurent un ophtalmoscope, un ophtalmomètre, un résonateur, comme les trois symboles visibles de son œuvre.