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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juin.


Nous disions il y a quinze jours que la période qui se terminait avait été une période de préparation et d’attente. Les vacances parlementaires prenaient fin ; les Chambres venaient de rentrer en session. Ce n’était pas faire concurrence à ces prophètes dont nous possédons à Paris, en ce moment même, un curieux spécimen, que d’annoncer, de la part des radicaux et des socialistes, toute une série d’interpellations. Le passé nous répondait de l’avenir. Au reste, quelques-uns des principaux orateurs de l’opposition, et entre autres le plus sonore d’entre eux, M. Jean Jaurès, n’avaient pas attendu le retour des Chambres pour faire part par écrit au gouvernement de leur intention de l’interpeller. C’est à M. Barthou, ministre de l’intérieur, que M. Jaurès avait adressé sa lettre : il se proposait de l’interroger sur la portée politique du mouvement administratif. À défaut de ce thème oratoire, M. Jaurès en aurait certainement trouvé un autre à développer, et peut-être même aurait-il bien fait de le chercher, car celui-là n’était pas très bon ; mais il fallait bien que le nouveau cabinet essuyât tout de suite le premier feu de ses adversaires. Les radicaux socialistes s’étaient autrefois légèrement amusés de la bonne composition de quelques-uns de nos amis, qui avaient cru devoir laisser vivre le ministère Bourgeois pendant un certain temps avant de l’attaquer. Ces procédés de temporisation ne sont pas à leur usage. Dès le premier jour, ils choisissent leur terrain, ou du moins ils prennent une position d’attaque sur le premier qui se présente, et ils adressent de là leurs sommations au gouvernement. C’est ce qu’a fait M. Jaurès. Toutefois, à mesure qu’on se rapprochait de la rentrée des Chambres, et surtout lorsque cette rentrée a été effectuée, l’embarras des socialistes est devenu de plus en plus manifeste. Il s’est traduit par des ajournemens successifs de leurs interpellations. Comment faire un grief sérieux à M. le ministre de l’intérieur d’avoir procédé à un mouvement administratif ? N’était-ce pas son droit ? Tout cabinet qui arrive aux affaires n’en a-t-il pas fait autant ? M. Bourgeois n’en a-t-il pas fait beaucoup plus que M. Barthou ? Et celui-ci ne s’est-il pas exposé aux justes reproches de ses amis pour n’en avoir pas fait assez ?