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méditation en présence de Dieu, issue de la réflexion sur la lutte du bien et du mal, sur les conditions de la liberté, sur la nature du devoir et du péché, une poésie animée par le souffle de la foi, élargie par le sentiment de l’infini. C’est précisément la poésie qui s’est développée en Angleterre, dans un milieu de puritanisme, et qui a abouti à l’œuvre de Milton. Si en France elle n’a pu prendre forme, cela tient à plusieurs causes parmi lesquelles il en est de politiques. Nous devons à Marguerite de connaître quels matériaux se préparaient à la poésie, quelles aspirations étaient à la veille de s’épanouir et peut-être d’arriver à la vie littéraire, avant qu’elles n’eussent été comme étouffées chez nous sous le double effort du paganisme renaissant et du catholicisme en lutte pour l’unité.

Tous les travaux et toutes les découvertes dont Marguerite a été l’objet dans ces derniers temps, ont servi sa mémoire. On a mieux senti la séduction de cette physionomie à mesure qu’on la voyait davantage sous son vrai jour et qu’on en discernait mieux la complexité : ce qu’il y reste malgré tout de voilé à demi et qui sans doute défiera toujours l’indiscrétion de nos regards y ajoute encore un attrait. Cette sœur du roi de France personnifie, dans la plus large extension et sous la forme la plus élevée, les tendances et les aspirations qui furent celles de lame française au début du XVIe siècle. Toutes les influences, venues des points les plus différens, se rencontrent en elle. Elle tient au moyen âge par le goût d’une tendresse chevaleresque et d’une dévotion raffinée, à la Renaissance par les grâces et l’éclat de l’esprit, à la Réforme par le sérieux de la pensée. Elle accomplit, par une sorte d’instinct naturel, une mission bienfaisante. Elle aide à l’éclosion de la pensée libre : son nom ne se sépare pas de l’essor puissant et généreux que va prendre désormais l’esprit humain. Au seuil de l’âge moderne, c’est un plaisir de saluer cette figure réfléchie et douce, souriante et grave, où les contrastes s’unissent dans la grâce souveraine de la femme.


RENE DOUMIC.