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LA PEINTURE
AUX SALONS DE 1896

L’effort visible qu’ont fait, cette année, nos peintres, dans les deux Salons, pour reprendre, avec moins d’hésitations, les traditions nationales, quelque temps méprisées ou négligées, est d’un heureux augure pour la bataille solennelle et prochaine de l’an 1900. La recherche d’une technique plus rigoureuse et plus serrée pour le dessin, plus robuste et plus chaude dans le coloris, un retour général à l’expression plus naturelle et plus simple dans la figure humaine, l’adaptation plus réfléchie d’une ordonnance significative et d’une facture appropriée aux divers genres de conceptions, et, dans un certain nombre d’ouvrages, des aspirations imaginatives d’un ordre plus élevé, témoignent du ferme bon sens de nos jeunes artistes. Eclairés par les exemples de quelques maîtres infatigables, ils ne veulent plus perdre leur temps abattre, au hasard de théories changeantes, des buissons creux et stériles ; ils reprennent peu à peu la grande route, largo et claire, de la nature et de la vie, où il y a toujours en place pour tout le monde. Malgré les verbiages contradictoires qui se croisent par-dessus leurs œuvres, et les vastes mots sonores et creux qui s’échangent, à leurs propos, dans les livres et les conversations, malgré les réclames éboulées du charlatanisme et du mercantilisme, malgré les violentes exagérations de l’éloge ou du mépris qui leur sont prodiguées tour à tour et presque au hasard, la plupart se décident à croire que le plus sûr moyen de devenir de grands artistes c’est d’abord d’être d’honnêtes ouvriers. Ils reconnaissent que le métier du peintre est un métier difficile pour lequel on serait bien sot de ne pas recourir à l’expérience accumulée durant plusieurs siècles ;