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de l’explosion, se forma une haute idée d’un suzerain disposant de pareils moyens de destruction.

Depuis longtemps, Ménélik a établi dans le Choa une poudrerie et une cartoucherie ; il a également créé à Addis-Ababa des ateliers pour la réfection du matériel d’artillerie et la réparation des fusils. Ces établissemens sont dirigés par un Européen ; l’habileté des ouvriers supplée à l’imperfection de l’outillage. Souvent, lorsqu’il réside dans la capitale, l’empereur se présente de bon matin aux ateliers, pour se rendre compte par lui-même de la marche des travaux. Il montre des instincts d’ingénieur.


VIII

L’administration militaire des Abyssins est fort simple. L’armée est nourrie au moyen de réquisitions faites sur l’ensemble de l’empire, par l’intermédiaire des sciums. Les vivres sont arrivés régulièrement au camp impérial, et les soldats de Ménélik ont moins souffert des privations que ceux des généraux Baratieri et Baldissera.

Avant Adoua, les Abyssins étaient mieux pourvus de moyens de transport que les troupes italiennes. Ils possédaient 40 000 bonnes mules du pays. Ces botes abondent en Abyssinie et y sont d’une utilité de premier ordre. Leurs maîtres ont peu à s’en inquiéter, car elles trouvent toutes seules leur vie ; elles ne sont point ferrées, et, malgré cela, elles escaladent les crêtes les plus inaccessibles. Ce sont ces braves bêtes abyssines, dont on s’était procuré un bon nombre pour l’expédition de Madagascar, qui ont porté les vivres de la colonne volante du général Duchesne jusqu’à Tananarive.

Les Italiens n’ayant pu trouver en Erythrée assez de mules, en ont acheté chez eux et même en France ; mais les mules d’Europe, malgré leurs qualités de force, sont moins sobres, ont besoin d’être ferrées, et supportent mal le climat abyssin. Leur mortalité était grande ; le changement de nourriture en était la principale cause. On ne pouvait leur donner de foin, et elles n’avaient point l’habitude de l’orge. La route de Massaouah au plateau abyssin, suivie par les troupes italiennes, était semée de charognes de mules et de chameaux qui empestaient l’air. Les pertes en animaux de bat ont continué après Adoua et ont rendu impossible le ravitaillement des renforts amenés d’Italie par le général Baldissera.

Ménélik, lui, possédait un si grand nombre de bêtes de somme, qu’au moment de l’évacuation de Makalé par le colonel Galliano,