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démontré qu’il était calomnié. Les fuites, quand il s’en produit, ne flattent pas l’odorat, du moins l’odorat des gens du nord ; elles ont un parfum d’ail très prononcé ; mais ces émanations sont moins dangereuses que celles du gaz ordinaire. En peut-on dire autant d’un autre péril : celui des explosions ? Elles sont, affirment les partisans de l’acétylène, moitié moins à craindre qu’avec le gaz de houille ; mais ceci mérite confirmation. Un savant, qui connaît à fond la substance nouvelle, à la création de laquelle il a largement contribué, m’a confié que la présence d’un mètre cube d’acétylène, dans la maison qu’il habite, suffirait pour l’inciter à déménager. La prudence portera donc nos concitoyens à attendre des expériences concluantes.

D’autres tentatives sont faites pour utiliser les manchons incandescens avec le pétrole ou l’alcool. L’alcool fait des ravages si profonds dans les estomacs contemporains, que tout philanthrope le verrait avec plaisir illuminer plutôt, à l’extérieur, ceux qui trop souvent ne « voient trente-six chandelles », suivant le dicton vulgaire, que par son absorption interne. Il ne semble pas, du reste, que le problème soit résolu : l’incandescence par l’alcool n’est pas inoffensive et son éclairage est inconstant : lorsque le niveau baisse, dans le vase où baigne la mèche enflammée, la chaleur décroît et la clarté du manchon tombe de 50 bougies à 10. Ces efforts multiples pour éclairer de tant de façons et avec tant de corps, solides, gazeux ou liquides, témoignent de l’activité des concurrens qui se pressent, se poursuivent et se devancent tour à tour.

Le pétrole continue à tenir la tête, partout où il n’y a ni électricité ni gaz. Il trône soit dans des appareils construits exprès pour lui, soit sur les débris des lampes à huile, veuves de leur mécanisme arraché, au sommet desquelles il installe triomphalement son récipient de verre ou de métal. Cette combinaison, à dire vrai, n’est pas prodigieusement artistique, et l’imagination de nos constructeurs aura sans doute à s’exercer là-dessus. Une forme aplatie est nécessaire au réservoir de pétrole ; l’alimentation de la flamme ne s’effectuant que par la capillarité de la mèche, l’ascension de l’huile minérale à travers les fibres du coton ne peut dépasser une certaine hauteur. Avec un vase trop profond, la lampe aurait peu d’éclat et finirait par s’éteindre.

Cet aspect peu gracieux, qu’une disposition nouvelle suffira à pallier et dont la majorité des consommateurs ne souffre guère, n’empêche pas le pétrole de rendre des services partout appréciés. Egalement en honneur chez les riches et chez les pauvres, il éclaire, dans la capitale, des appartemens de 20 000 francs et