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VI

Le gaz et l’électricité sont confinés dans les agglomérations urbaines ; rien ne s’oppose pourtant à ce qu’un jour nos descendans voient les tuyaux ou les câbles rayonner des centres populeux jusqu’aux plus minces bourgades, et enchevêtrer leurs réseaux sur toute l’étendue des territoires civilisés. D’autres sources de lumière leur font déjà concurrence ; les Américains, dans les districts pétrolifères des États-Unis et quelques villages des Pays-Bas, au nord de la Hollande, s’éclairent gratis avec le « gaz d’eau ». Cet hydrogène carboné, fourni par la nature, arrive à la surface de la terre mélangé avec l’eau de puits artésiens d’une profondeur variable. Il suffit de recueillir le liquide, assez semblable à de l’eau de Seltz, sous une cloche où le gaz se concentre et au sortir de laquelle, séparé de l’eau qui s’est écoulée latéralement, il se laisse guider par une canalisation ordinaire sur les becs qui le consumeront. A Murraysville, en Pensylvanie, un seul puits débite ainsi 300 000 mètres cubes par 24 heures. Ces gaz d’eau sont pauvres, mais on leur pardonne volontiers de ne pas avoir, à volume égal, autant d’éclat que le gaz de houille, et l’on est quitte pour en brûler davantage, ce qui ne devient jamais ruineux, puisque ce luminaire spontané ne coûte rien.

Les Français, qui n’en possèdent pas, se sont vivement intéressés à la découverte d’un nouveau gaz artificiel, l’acétylène, dont on ne peut prédire les destinées, parce qu’il achève son éducation dans les laboratoires, et que ses auteurs, tuteurs ou parrains, mal fixés encore sur ses défauts et ses mérites, ne le prônent qu’avec mesure. M. Berthelot avait, il y a trente ans, trouvé l’acétylène, en combinant directement de l’hydrogène avec du charbon. Ce fut une des belles synthèses du grand chimiste, qui détermina plus tard les propriétés de ce gaz, — il en a de curieuses, celle par exemple de se transformer en alcool, — mais sans chercher à en tirer parti pour l’éclairage.

MM. Moissan et Violle, en se servant, il y a quelques années, de fours électriques dont la température était portée jusqu’à l’élévation invraisemblable de 3 000 degrés, obtinrent, par la simple réaction du charbon sur la chaux, un corps noirâtre, semblable à du coke, le « carbure de calcium ». Plongez un morceau de cette matière dans un flacon plein d’eau, aussitôt elle se décompose ; carbure et calcium s’en vont chacun de leur côté, suivant leurs affinités respectives. Le feu les avait unis, l’eau les sépare. Le liquide abandonne son oxygène au calcium, qui forme avec lui de