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l’hectowatt distribué leur coûtait plus de 10 centimes. Mais les 10 centimes se décomposent ainsi : 2 à 3 centimes pour la production de l’électricité, 4 centimes pour les frais généraux, 3 centimes pour l’amortissement du capital, dans un délai très court, puisque les concessions expireront toutes avant une douzaine d’années, peu après celle du gaz. La fusion de toutes les compagnies électriques en une seule, et la concentration même de tout l’éclairage dans les mains d’une administration unique, aurait à cette époque de grands avantages : ainsi les usines à gaz ont beaucoup de chaleur perdue, avec laquelle elles pourraient produire de la force à bon marché.

Cette force, les secteurs actuels pourraient la livrer aussi aux 90 000 façonniers de Paris, qui se serviraient avec succès d’une puissance mécanique pour actionner leurs outils ; déjà, dans les magasins de nouveautés, toutes les machines à coudre sont mues par l’électricité. Le champ est si vaste, les emplois, en dehors de l’éclairage, sont si variés, que l’on ne peut aucunement fixer le coût de l’électricité dans l’avenir, voire dans un avenir très proche, puisque ce coût diminuera des trois quarts, des neuf dixièmes peut-être, suivant l’augmentation du débit, et que les conditions, soit technicités, soit économiques, de cette industrie si jeune, sont susceptibles d’être révolutionnées d’un instant à l’autre, dans un sens favorable.

Dans le présent, qui seul nous occupe, l’électricité est déconcertée par la concurrence du gaz, ce rival qu’elle croyait vaincre sans peine, et paralysée par les difficultés de sa propre exploitation. Il lui manque, pour régulariser sa marche, un bon réservoir, frère du gazomètre, où emmagasiner l’éclairage pendant que l’abonné s’éclaire peu ou point. Les dynamos ressemblent à des vaches dont le lait se perdrait, faute d’être tiré, et que leurs propriétaires ne pourraient cependant traire qu’en partie, faute de savoir comment vendre leur lait à mesure qu’elles le produisent, ou comment le conserver en attendant les acheteurs. Il existe bien des vases où mettre l’électricité sans emploi immédiat : ce sont les accumulateurs, mais ils sont très défectueux, ils fuient. On n’y retrouve, en général, pas plus des deux tiers de la force qu’on leur donne à garder. La plupart des administrations électriques s’en servent, néanmoins, ne fût-ce que pour alimenter la clientèle de minuit à midi, pendant l’arrêt des machines. Mais on conçoit de quelle importance sentit la découverte d’un récipient vraiment pratique.