Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 135.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’absorbe la production d’une chaleur inutile, au détriment de la clarté souhaitée, est beaucoup plus grande que dans les lampes à arc. De là vient la différence, signalée plus haut, entre le coût respectif des deux lumières.

Tous les modes d’éclairage imaginés par les pauvres hommes ont d’ailleurs ce vice commun de ne pouvoir éclairer sans chauffer, de laisser dériver eu calorique obscur, dont nous n’avons que faire, une portion plus ou moins notable de l’éclat qu’ils nous devraient donner. Une bougie durerait plusieurs centaines d’heures si son énergie était exclusivement employée en lumière. La nature est plus habile ; elle a le secret des clartés froides. Il n’est pas de lampe, à cet égard, qui puisse se comparer à l’humble ver luisant, dont le rendement lumineux est de 100 pour 100. Voilà un modèle que les savans d’aujourd’hui, par leurs travaux sur la phosphorescence, s’efforcent de suivre, sans prétendre l’égaler jamais. Que l’on découvre un nouvel appareil, que l’on perfectionne simplement les lampes actuelles, et l’électricité prendra un prodigieux essor. Déjà l’on fabrique des lampes à arc de moindre dimension et d’une intensité peu supérieure à celle du bec Auer. On charge des forces naturelles, comme les chutes d’eau, d’actionner les dynamos partout où la chose est possible. Que la transmission lointaine de ces forces devienne moins onéreuse, ou que les machines à vapeur actuellement usitées soient moins imparfaites, le prix de revient s’abaissera à des chiffres infimes.

Parmi les difficultés présentes que les entreprises d’électricité ont à surmonter, l’une des plus épineuses est l’irrégularité du travail. La durée moyenne de la consommation d’une lampe est de deux heures ; par conséquent le matériel n’est utilisé à pleine charge que pendant ces deux heures. Pour vendre bon marché, disent les secteurs électriques, il faudrait vendre beaucoup ; pour vendre beaucoup, répondent les Parisiens, il faudrait vendre bon marché. C’est aux vendeurs à sortir les premiers de ce cercle vicieux ; l’intérêt le leur commande. « L’hectowatt — équivalent à 30 bougies-heure dans les ampoules incandescentes — que nous faisons payer aux particuliers 12 centimes, sans y gagner nous-mêmes grand’chose, me disait le directeur d’une des compagnies électriques, nous pourrions le vendre, avec profit, 4 centimes seulement à la ville pour l’éclairage de telle voie publique, ou le céder même à 2 centimes et au-dessous aux sociétés de tramways qui voudraient s’en servir comme force motrice. »

Ces chiffres sembleront invraisemblables à ceux qui, ayant vu le bilan des sociétés actuellement existantes, y ont constaté que