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fort cher dans le nord de l’Angleterre et en Écosse, afin d’améliorer la qualité lumineuse de l’ensemble. Ce coupage est indispensable, pour obéir aux prescriptions qui imposent au mètre cube de gaz un minimum de pouvoir éclairant ; trois vérifications sont faites chaque soir, à une demi-heure d’intervalle, par les ingénieurs du service municipal, pour constater à ce point de vue la stricte exécution du cahier des charges. Le gaz parisien possède un éclat supérieur de 6 pour 400 à celui de Berlin et inférieur de 5 pour 100 à celui de Londres, favorisé par la proximité des mines de cannel-coal.

Les frais de transport jouent un assez grand rôle pour que la compagnie ait avantage à s’approvisionner dans le bassin de l’Artois, plutôt que dans celui de la Loire, dont les charbons, pourtant supérieurs, sont plus éloignés de la capitale. A Clichy, les bateaux se rangent le long des berges de la Seine, où la grue, actionnée par un moteur à gaz, élève leur contenu jusqu’à un viaduc de 25 mètres de haut, et le vide dans des wagonnets, qu’une locomotive emporte vers les cornues. On appelle ainsi les compartimens, étroits et longs, des fours en brique réfractaire — 3 mètres sur 60 centimètres — où le charbon va cuire comme la pâte dans le four du boulanger. Au lieu de la pelle plate du mitron, le gazier, pour l’enfournage, se sert de la cuiller. Cette cuiller est un demi-cylindre en tôle, à peu près de même dimension que la cornue ; trois hommes, après l’avoir remplie, l’enfilent dans le four où ils la versent, en tournant la poignée du manche resté en dehors. Après quoi, ils retirent cette pelle monstre, qu’ils rempliront à nouveau pour donner sa ration à un autre four, après avoir hermétiquement clos la porte du précédent. Ces chargeurs, dont la besogne, assez pénible, exige d’ailleurs plus de force que d’intelligence, sont des privilégiés parmi les 4 500 ouvriers de l’usine, où les moins rémunérés ont un salaire de 5 francs. Ceux-ci, payés à raison de 3 fr. 30 centimes pour 1 000 kilos de charbon, gagnent à peu près 12 francs par jour.

La distillation dure trois heures ; elle en durait huit autrefois et la quantité de gaz obtenu était moindre d’un cinquième. Pour activer le travail, on a poussé la température des cornues de 900 à 1 200 degrés. Au lieu de les chauffer directement par le coke, on se sert du coke pour produire un gaz comburant, l’oxyde de carbone, qui possède un plus grand pouvoir calorifique.

Les nouveaux fours sont construits avec une extrême ingéniosité : l’oxyde de carbone, pour brûler, a besoin d’air et, autant que possible, pour ne rien perdre de sa propre chaleur, d’air chaud. L’air est donc chauffé ; il est porté à 300 degrés